« When time will come, you'll be somewhere. You'll be on the rising shore of hope. There will be no tears, no stress, no anxieties. »
Bleu était l'éloigné ciel, tandis que brûlait en son centre l'astre. L'été était bien présent dans ces marmonnements du passé. On s'amusait, on était heureux, on oubliait tout. Utopie, utopie. Mais la réalité n'a jamais été une utopie. Les gens sont sales, le âmes sont viles, tous sont hideux. Et la véritable réalité, pas celle qu'on invente pour se donner bonne conscience fait toujours peur à entendre, ou à voir. En ce cas, elle n'est pas différente des autres. La vie presque ordinaire de Mr O'Doughe allait bien changer lorsqu'il rencontrerait Mrs Spade, une très agréable et charmante petite femme à la chevelure rousse. Tout droit venue d'Irlande, elle n'en avait hélas que les origines, pas la culture ni le droit du sol. Elle était née en Californie, alors que ses grands-parents étaient nés à Dublin. Et ses parents vivaient aux Etats-Unis avant même de se rencontrer. Quand bien même, la patrimoine n'était jamais oublié et certainement pas par les parents de ses parents. Lorsqu'elle rencontra son futur époux, les deux jeunes gens ne faisaient que se croiser dans les couloirs d'une grande société. Chacun retournait à son petit espace cubique après un hochement de la tête et un sourire. Même s'il arrivait parfois qu'ils se retrouvent à brièvement discuter autour d'un café dans la salle de repos, ce n'était toujours que de courte durée. Madame était très occupée, et monsieur aussi. Ni l'un ni l'autre n'osait faire entorse à son planning chargé pour aller s'installer à proximité de son coup de cœur et discuter sagement avec. Il eut cependant fallu du hasard d'une fête organisée pour célébrer le départ en retraite d'un membre de la même société pour que les deux personnages se rapprochent finalement et s'invitent mutuellement à dîner. Madame voulait l'emmener dans un restaurant orientale du centre-ville tandis que monsieur lui avait proposé de l'accompagner dans un grand restaurant gastronomique du même centre-ville. Galante, madame laissa à monsieur le soin de décider, mais elle paya tout de même à la fin du repas. Comme dans ces séries à l'eau de rose dont monsieur était secrètement friand, ils se raccompagnèrent au coin d'une rue pavée, bras dessus, bras dessous. S'amusant mutuellement des pitreries de l'autre, ils étaient heureux. Mais le bonheur n'a d'existence que parce qu'il est éphémère.
Monsieur et madame traversèrent les rues et s'engouffrèrent dans le hall silencieux et sombre de l'immeuble où vivait celle-ci et furent pris de court par un roublard qui s'était décidé à leur dérober leurs biens; armé d'un couteau de boucher il l'agitait devant un monsieur transpirant et une madame au sourcil droit arqué. Laquelle ajouta sans broncher que, « S'il compte nous blesser avec ça, il devrait le tenir plus en avant. Comme ceci ! » Ajouta-t-elle en détachant la boucle qui fermait son sac à main pour y déloger un couteau militaire qu'elle pressa contre le coin de la gorge du saligaud, lequel sursauta à en lâcher son arme qui se révéla être en plastique au bruit de sa chute. Madame lui arracha la cagoule qui cachait son visage et lui flanqua un coup de ses magnifiques escarpins, achetés la veille, dans les parties génitales. Le roublard s'étala au sol, meuglant sa douleur entre quelques larmes involontaires, tandis que Madame rangea son couteau au creux de son sac et adressa un sourire à un monsieur aux yeux écarquillés d'une certaine admiration mêlée à de la peur et de l'excitation. Oui, monsieur aimait les femmes dominantes, mais ce n'est pas le sujet de notre conte. Il hocha plusieurs fois la tête en de petits mouvements lorsque madame lui tendit la main en lui demandant s'il venait et tous deux s'enfermèrent dans la cage d’ascenseur métallique grinçante. Un fin « ding » s'étouffa entre les portes de l’ascenseur quand ils arrivèrent au cinquième étage et madame montra la voie à son ami et futur époux. Il la suivi sans broncher et sans dire un mot, étrangement calme autant qu'il était intrigué par cette belle dame au caractère divin. Ils n'avaient pas convenus de passer la nuit ensembles, mais madame se jeta aux lèvres de monsieur dès lors que sa porte d'entrée fut ouverte. Non pas sans plaire à monsieur, qui rêvait d'elle. Le secret de la procréation restera tut, mais on n'est pas sans deviner ce qu'il se passa. Monsieur et madame s'endormirent ensuite, calmement et simplement. Tandis que commençait à peine à se former l'avenir de leur mariage autour d'eux.
Cette routine entre monsieur et madame devint rapidement une habitude, au moins une fois par semaine l'un et l'autre se retrouvait chez l'un ou l'autre, et calmement ils s'aimaient. Monsieur était toujours intrigué par les petites statuettes que collectionnait madame autour de son appartement, certaines ressemblaient à des hommes aux caractères d'animaux, d'autres étaient des symboles celtes qu'il ne comprenait pas et n'osait pas lui demander leur signification, madame était heureuse qu'il ne le lui demande pas d'ailleurs. Elle n'aurait pas voulu lui en parler, leur relation était trop précieuse à ses yeux pour qu'elle y implique la chose. Elle avait peur de gâcher leur "histoire" ou de trop chambouler ce qui était déjà en place. Au bout d'un troisième mois dans cette routine, madame révéla qu'elle était enceinte. La joie qui traversa monsieur fut telle qu'il eut du mal à l'exprimer et sembla être indifférent à la nouvelle jusqu'à ce qu'il éclate en sanglots heureux et enlace madame dans une embrassade de jubilation.
« Long is the journey for what will be the quest to seek the truth. »
Il aura finalement fallu que monsieur et madame vivent ensembles pour qu'elle lui révèle finalement ce qu'elle était. Il avait été intrigué par ces larges fioles carrées pleines de poudres, de fleurs, de cocons et d'autres ingrédients étranges digne d'une sorcière. Mais étrangement, il fut rassurée de l'entendre dire qu'elle était druidesse. Quand bien même il eu fallu plusieurs semaines et quelques démonstrations souvent infructueuses de ces dons qu'elle prétendait posséder monsieur fut finalement rassuré de voir que sa future épouse était une femme aimante, douce et à la bonté d'âme si grande qu'elle n'aurait jamais pensé user de ses pouvoirs qui lui avaient été transmis à mauvais escient. Trois mois avant qu'elle ne mette Daniel au monde, elle et monsieur s'en étaient allés en Irlande pour rendre visite aux grands-parents de la future mère. Ceux-là ne vivaient plus à Dublin, du moins pas au cœur de la ville. Ils s'étaient installés un peu plus haut dans les collines près d'un gigantesque arbre qu'ils avaient fait devenir leur Nemeton, celui-ci avant d'être un lieu sacré pour la famille de madame était un grand et large chêne vert qui était souvent le refuge de nombreux écureuils venant y dissimuler leurs provisions. L'arbre n'était pas coupé, contrairement à l'habitude; il continuait de s'étendre fièrement et solidement à côté de la maison qu'habitaient les ancêtres Spade, ceux-là disaient que tuer un arbre n'avait pas de sens puisqu'ils étaient supposés en être les gardiens. Ils étaient de ces Druides superstitieux persuadés qu'en couper le tronc serait synonyme de malheur sur le village ou la ville la plus proche, en l’occurrence, Dublin. Et un jour que les grands-parents et les parents de madame s'en allèrent en ville pour quelques courses, madame et monsieur décidèrent qu'il était judicieux de s'aventurer dans les bois environnants, laissant le Nemeton seul et sans autre compagnie que les quelques animaux qui grimpaient dans ses branches. Madame oubliait les histoires qu'on lui racontait quand elle n'était que petite fille et ne se souvint pas des créatures qui selon les légendes peuplaient les forêts. Approchant au cœur d'un bosquet qu'ils n'avaient jamais vu auparavant, monsieur était émerveillé par la beauté de la nature tandis que madame sentait quelque chose d'étrange, elle n'osait pas le lui dire et se contentait de rester en arrière de quelques pas, marmonnant parfois qu'elle voulait rentrer et qu'elle était inquiète. Mais monsieur ne semblait pas y prêter attention. Son pied droit se cogna contre une pierre creuse et il baissa la tête pour la ramasser, constatant d'un haussement de sourcil que celle-ci était marquée d'un symbole celte, un Triquetra. Dès ce moment, madame fut en mesure de deviner que quelque chose n'était pas normal. Que quelque chose de dangereux ou de menaçant allait se produire. Elle insistait auprès de monsieur pour qu'ils rentrent, qu'ils retournent à proximité du Nemeton, mais monsieur ne pouvait plus bouger. Il grognait entre ses dents à son épouse que ses jambes étaient figées, jusqu'à ce qu'à ses pieds le sol ne se révèle être un lit de boue gluante et épaisse dans laquelle ses pieds étaient ensevelis. Ne comprenant pas ce qu'il se passait autour de lui, madame lui fit rapidement comprendre qu'il s'agissait du fait d'un vicieux Leprechaun qui s'était décidé à leur faire une farce, elle ajouta que le Triquetra que son futur époux avait ramassé était comme une balise avertissant le facétieux sorcier qu'il pourrait pratiquer une de ses sombres farces. Si les choses avaient été aussi simples, madame aurait été heureuse mais le bruissement autour d'elle la fit grincer des dents lorsqu'elle entendit un grognement. Il ne s'agissait ni d'un leprechaun ni de magie, le hasard avait voulu que monsieur mette les pieds dans ce tas de boue tandis qu'autour d'eux une meute semblait s'assembler. Madame compta quatre silhouette qu'elle pu apercevoir, gardant une main sur son ventre déjà large de la présence de son fils.
« Mon amour, surtout, ne fais pas le moindre geste brusque... » Siffla-t-elle entre ses dents tout en s'approchant de quelques pas de lui, elle s'était mise à serrer autour de son cou un pendentif en forme de minuscule fiole dans laquelle on pouvait apercevoir de la poudre noire. Après quelques pas prudents vers monsieur alors qu'elle apercevait les silhouettes s'approcher d'eux elle tira sur son pendentif et en brisa la faible chaine qui le nouait à son cou avant de le laisser tomber au sol, et dans un astucieux mécanisme qui n'était certainement pas naturel, une brume noirâtre forma un cercle autour d'eux, un cercle de mountain ash. Leurs mains se touchèrent puis se serrèrent, ils savaient bien qu'ils ne résisteraient pas longtemps derrière une simple barrière de poudre face à tant de loups-garous. Mais la chance fut de leur côté quand un des loups fut jetés entre les arbres par une force mystique. Force qui s'avéra être celle de la grande-mère de madame; qui d'un geste de la main propulsa la bête en arrière. La vieille druidesse était accompagnée de son époux, et des parents de madame, chacun portait des plantes tue-loups et la meute qui voulait attaquer madame et monsieur s'en alla en retraite aussitôt. Cet évènement fut la chose qui convainquit monsieur et madame que leur enfant ne serait jamais proche du surnaturel, pas même qu'il serait conscient de son existence.
« Trust is a matter of two, therefore you cannot assume there is not a single shard of hope coming from a fiend. »
La banalité, la vie d'étudiant et puis peu de choses. L'ENNUI. Voilà ce que c'était, ça n'avait d'ailleurs pas grand intérêt pendant de très longs moments, puis la crise d'adolescence passa et la cervelle du garçon fut enfin arrivée à maturité. Il avait quinze ans, était heureux et n'avait quasiment pas de problème. Ou presque, il ne comprenait toujours pas cette manie qu'avait sa mère de disparaître à tout va, pendant parfois plusieurs jours; pour finalement revenir avec quelques blessures superficielles. Cela l'intriguait tant qu'il en avait du mal à dormir, parfois, il s’imaginait qu'elle travaillait secrètement pour le gouvernement et que là étaient les raisons de ses coupures sur les bras et ces quelques os brisés qui était parfois monnaie courante; jusqu'à ce qu'il remarque un schéma dans ces absences répétées de sa mère. Rat de bibliothèque qu'il était déjà, Daniel s'était empressé d'aller fouiller les étagères de celle de son quartier, pour y consulter des calendriers et d'autres choses qu'il pensait lié avec les cycles de la lune. A sa grande surprise, les disparitions les plus longues de sa mère se produisaient toutes lorsqu'il y avait une pleine lune. Son esprit d'adolescent curieux et un peu stupide fit rapidement une connexion, sa mère était une loup-garou ! Non, non, ça n'avait aucun sens. Quoique... Et si ? Il venait d'avoir ses seize ans et s'improvisa agent secret, profitant de ses heures de temps libre pour fouiller dans les affaires et la chambre de ses parents quand ils étaient absents, Daniel découvrit quelques étranges boîte en acajou dans lesquelles étaient rangées des fioles rectangulaires pleines de poudres en tout genre, certaines contenaient même d'étrange plantes qu'il n'avait jamais vu et ne préféra pas les ouvrir pour en renifler le contenu, s’imaginant qu'il s'agissait d'un poison redoutable ou d'un quelconque "truc hallucinogène" comme il s'en référa à l'un de ses amis proches avant d'aller en cours. Rapidement, il se mit à ranger cette histoire de loup-garou dans un coin de son esprit et s’imagina sa mère comme un genre de dealer hippie d'il ne savait trop quoi. Mais profondément en lui-même, il savait que quelque chose clochait, et il ne savait pas quoi, alors avant de faire comme si de rien n'était, Daniel avait recueilli quelques échantillons de ces fioles étranges pour lui-même; décidant qu'il découvrirait de lui-même de quoi il s'agissait. Des fleurs et des plantes écrasées; rien de plus rien de moins. Il était déçu mais à la fois rassuré.
Tout le long de l'année qui suivie, rien de particulier ne se passa. Tout était comme cela l'avait été pendant les dix-sept dernière années, les absences de madame étaient toujours une habitude qui ne semblait pas déranger Daniel ou monsieur; et tout continuait son cour ordinaire et ennuyeux des choses. Jusqu'au jour du 16 Mars, où Madame rentra en pleine nuit et en toute hâte, trainant un adolescent blessé et couvert de sang avec elle; il marchait difficilement, mais était encore suffisamment conscient pour savoir ce qu'il se passait autour de lui. Daniel qui avait entendu ce boucan s'était empressé de se faufiler derrière un mur pour écouter sa mère et son père discuter avec l'autre garçon, celui-là avait été attaqué par un Beta, disait sa mère. Daniel ignorait bien ce que cela pouvait vouloir dire et sa mère n'allait évidemment pas s'arrêter pour expliquer ce que c'était. Daniel tendait l'oreille en restant le plus discret qu'il aurait pu l'être quand il senti soudainement une pression sur son épaule, la main de son père l'avait attrapé et l'avait retourné vers lui. « Dans ta chambre, vite. » Murmura son père, l'air sévère. Sans attendre, monsieur retourna auprès du blessé et de sa femme, tandis que Daniel restait à la même place, intrigué par cette étrange histoire. L'oreille tendue et l'esprit avisé, il écoutait patiemment et silencieusement. Sans se douter qu'on savait déjà qu'il n'avait pas bougé. C'était de toute façon à prévoir, ordonner à un adolescent de se tenir à l'écart d'une chose "bizarre" et espérer qu'il vous écoute et vous obéisse ? Non, ce n'était pas possible ailleurs que dans un rêve. Daniel dans sa curiosité entendit sa mère et le blessé parler de meutes, d'alpha, d'oméga et de bêta. Tout cela n'avait pas grand sens à ses yeux, pour l'instant du moins. Il griffonna dans sa mémoire ces quelques termes et les retint pour pouvoir se documenter à ce sujet plus tard. Il entendit le jeune blessé appeler sa mère "sa" druidesse. Daniel était loin d'être stupide et savait ce qu'était une druidesse, ou un druide, mais pas le rapport qu'elle avait avec cet adolescent qu'il n'avait jamais vu. Il entendit le garçon dire à sa mère qu'il avait été forcé d'ingérer de l'aconit. Daniel avait lu à propos de cette variété de plante, utilisée pour empoisonner les renards et les loups. « Oh... » Murmura-t-il en écoutant. Il secoua brièvement la tête et retourna dans sa chambre, et se jeta aussi rapidement que possible sur son ordinateur portable. En quelques nuits il avait fait suffisamment de recherche pour comprendre ce qu'il s'était passé cette nuit-là. Mais pas assez pour comprendre toute cette histoire.
Et voilà, dix-neuf ans, le lycée c'est fini. Bienvenue dans la vie active, Daniel. Bienvenue dans... Une librairie ?
« La notre, Daniel, la notre ! » Ajouta son père en posant les derniers cartons sur une table en bois de chêne. Le garçon hocha la tête, portant un tas de bouquins reliés sous le bras. Ceux-là faisaient partie de sa collection personnelle et traitaient des mythes celtes et d'autres cultures. Il n'en parlait pas, parce qu'il savait que ses parents ne voulait pas qu'il mette un pied dans le monde du paranormal, parce qu'ils ne voulaient pas avoir à se réveiller un jour en sachant que Daniel avait été égorgé par un loup-garou ou quelque chose de pire encore. Ils étaient inquiets à son sujet, mais Daniel était inquiet pour eux, à quoi bon cacher cette nature ? Un jour ou l'autre, le surnaturel viendrait lui-même frapper Daniel en plein visage, et si ça devait arriver, autant qu'il soit préparé au cas où. Madame avait quitté son travail et ils avaient déménagés à Beacon Hills, ignorant tout de cette ville où ils avaient pu sans problème ouvrir une librairie de quartier, pas bien grande mais procurant suffisamment de revenus pour une famille de trois. Tandis que ses parents se tenaient au plus loin du surnaturel et que Daniel s'y plongeait de plus en plus. Ils étaient à Beacon Hills, qu'est-ce qui pouvait bien se passer de mal ?