Forum RPG basé sur la série Teen Wolf et plus particulièrement sur la saisons 3B, à la clé tout un tas de loups-garous et d'autres espèces surnaturelles
« Bàba, dépêche-toi ! » Répétait un très jeune garçon vêtu d’un vêtement rouge et doré tout à fait typique des moines. Il ne parlait pas d’un air rempli de joie, pas plus qu’il ne semblait impatient d’aller lui-même là où ils devaient tous les deux se rendre. Dans sa voix, on décelait un brin de tristesse qu’il s’efforçait de masquer. Son crâne avait récemment été rasé, il ne devait pas avoir plus de huit ans et semblait déjà être quelqu’un de très sage et de très charismatique. Le jeune garçon continuait d’appeler celui qu’il surnommait Bàba, papa en chinois, jusqu’à ce qu’il arrive enfin. Lui aussi portait ces grandes robes rouges et dorées, c’était un adolescent d’occident, il n’était ni chinois, ni tibétain. Son crâne aussi avait été rasé, mais c’était il y a beaucoup plus longtemps que le jeune garçon. Ils étaient dans un grand monastère, lequel était bercé par des vents froids et humides, on devinait de la neige sur quelques toits ainsi qu’au sol naturel disposé dans un carré au centre de cette partie du temple, autour de celui-ci était de grandes allées de briques qui menaient à diverses portes en bois épaisses, toutes donnant sur des quartiers et des chambres propres à chacun. Daniel, l’adolescent d’occident, s’était habitué à toutes les coutumes pendant cet exil, et était même devenu bouddhiste pour mieux comprendre la philosophie de ces gens chez qui sa mère l’avait envoyé. Sous les diverses épaisseurs de vêtements qu’il portait pour se protéger du froid, il semblait très à l’aise. Très en paix avec lui-même par la même occasion. Autour de son cou pendait un très large objet en métal frappé d’une pierre précieuse verte au centre. Et toujours à son cou, on trouvait de nombreuses autres choses grelottantes au moindre de ses gestes. Il portait entre ses deux mains une sorte de coiffe épaisse noire aux allures bien plus celtiques que tibétaine, mais ça ne semblait pas gêner Daniel ou le jeune enfant qui était venu le chercher.
Le plus jeune des deux se mit à sourire en le voyant sortir vêtu de toutes ces choses, c’était vraisemblablement quelque chose d’important. Il tendit ses petits bras pour attraper la coiffe noire et Daniel le laissa faire, en lui rendant un sourire agréable. Le petit garçon la posa sur sa tête et quand bien même elle était trop grande pour lui, semblait très heureux de la porter, et d’un geste de la main il se mit à s’écrier qu’ils allaient être en retard et attrapa la main de Daniel avant de se mettre à courir au-delà de l’endroit dédié aux chambres des moines. Ils traversèrent un grand hall en toute hâte, leurs pas accompagnés des grelottement des choses que Daniel portait autour du cou fit écho dans celui-ci, perturbant le silence solennel, puis ils arrivèrent devant un grand escalier qui continuait vers le haut, ils en gravirent les nombreuses marches à toute vitesse, manquant parfois de trébucher sur leurs vêtements mais arrivèrent finalement indemne au sommet d’un perchoir ou des dizaines de personnes s’étaient rassemblées. Une fois arrivé, le gamin et Daniel devinrent plus silencieux et moins amusés. En toute hâte, l’adolescent récupéra la coiffe et la garda entre ses mains, tandis que le petit garçon alla s’asseoir auprès d’un vieillard devenu aveugle. Tous étaient rassemblés en un cercle silencieux et immobile. Au centre, on distinguait sous un épais tissu blanc, une silhouette allongée. Et autour d’elle, brûlaient dans des encensoirs de nombreux bâtons. C’était clairement une cérémonie rituelle du décès ; Daniel d’un air très rassuré et très sérieux s’avança jusque la silhouette. Il passa derrière elle et fit face aux gens assit. Dans le doute, il leva les yeux vers le vieillard à côté duquel son très jeune ami s’était assis. Celui-ci, quand bien même devenu aveugle, hocha la tête d’un air compréhensif vers Daniel. L’adolescent d’occident reposa son regard sur le tissu et lentement le retira du visage de la silhouette.
Il s’agissait d’un homme d’à peine la quarantaine, on distinguait qu’il portait lui aussi ces robes de moines et semblait en paix, son visage avait été couvert d’un masque en bois qui dissimulait de larges marques de griffe que Daniel était en mesure de voir descendre jusqu’à l’oreille gauche du pauvre homme. Il eut un moment de recul en les apercevant mais garda son calme pour ne pas troubler la cérémonie et affoler les personnes présentes. Le visage neutre de toute émotion plus importante que le deuil, Daniel s’efforçait de garder son calme quand bien même la situation était bien peu propice à cela, il n’était pas comme les autres moines, il était encore incroyablement ancré dans la culture occidentale et n’avait pas la même méthode de gérer la mort qu’eux le faisaient. Rien que la couleur du deuil n’avait rien à voir avec celle de l’Occident. Ici, c’était le blanc et le rouge, alors que de là où venait Daniel, on utilisait le noir. Ce contraste seul suffisait à le déstabiliser dans un tel évènement. Mais il fit en sorte de ne plus s’y attarder et focalisa son regard sur les yeux immobiles et vides du masque de bois. Il savait qu’il était supposé le retirer du visage, cela faisait partie du rituel qu’on lui avait demandé d’accomplir ; les moines de ce temple pensait que s’il gardait son masque funéraire, le moine ne pourrait pas se réincarner, puisque le bois aurait retenu son âme de quitter son corps. Daniel n’était pas la seule personne chargée du rite funéraire, mais c’était bien lui qui devait le conduire. Les autres moines plus en arrière attendaient son geste pour commencer. C’était une étrange cérémonie ; puisqu’elle comportait des éléments de la culture tibétaine mais aussi de la culture druidique ; un astucieux mélange de croyances bien opposées. Finalement, Daniel retira le masque en bois du visage du vieil homme et pu finalement apercevoir le visage de ce même homme qui l’avait fait quitter les États-Unis.
Il était le gourou du temple, Lâhima était son prénom, et il avait été un homme respectable, juste, sage et patient avec tout un chacun. Tout le monde le considérait comme un père, et personne n’aurait jamais pensé qu’il viendrait à mourir, il avait toujours eut cette apparence d’être hors du temps, que l’âge ne pouvait pas atteindre. Et voilà qu’il se tenait devant eux, sans vie et silencieux, le visage lacéré par des griffures aussi larges que des mains humaines. Daniel fit un pas en arrière en voyant la réelle longueur de ces griffures et serrant le masque de bois dans ses mains il se sentit fulminer de rage. C’était de sa faute, il le savait. Tout avait été de sa faute ; il n’aurait pas dû venir ici. Il aurait dû rester à Beacon Hills et ne jamais apprendre auprès de ces gens-là. Tout était de sa faute. Au même moment, les autres moines chargés du rite funéraire s’approchèrent du corps et portant chacun de grands bâtons, sur lesquels pendaient de nombreuses feuilles d’arbre ou de papier, ils en enflammèrent les extrémités depuis les encensoirs et commencèrent à très légèrement les balancer d’avant en arrière, répandant une couche de fumée autour d’eux, ils étaient au nombre de quatre et marchaient en silence, les yeux baissés et se mirent à tourner autour de la dépouille, tandis qu’on entendait leurs vêtements grelotter puisqu’ils portaient de nombreuses perles à leurs manches. Daniel était immobile, les yeux fixés sur le masque de bois, n’osant même plus poser son regard sur Lâhima. Il n’y arriverait pas. C’était trop lui demander que de conduire cette cérémonie ; c’était beaucoup trop de pression. La douleur de cette perte l’affectait beaucoup trop. Il était persuadé qu’il échouerait même là, qu’il ne pourrait pas aider Lâhima à trouver le repos dans sa mort. Un instant, il releva les yeux vers la foule et constata le regard plein d’espoir du petit garçon qui l’avait fait se presser à venir, le petit moine lui souriait, il avait confiance en Daniel et le druide d’occident retrouva rapidement foi en lui.
Prenant une grande inspiration, Daniel leva les bras et garda le masque de bois dirigé devant lui. Les bras droits et la silhouette immobile, il osa ouvrir la bouche et parler, il ne parlait pas chinois mais savait le lire ; il avait donc appris par cœur les phrases qu’il devait prononcer lors de cette cérémonie.
« Dǎpò zhège miànjù, wǒ shìfàngle jīngshén. » Disait-il avec un fort accent américain, mais c’était bien suffisant pour les autres moines, qui comprenaient la difficulté de la langue, Daniel venait de dire qu’en brisant ce masque, il libérait l’esprit. L’esprit de Lâhima. D’une pression puissante il venait de briser en deux le masque.
« Mù, nǐ bìrán yào tǔdì. » Se mit-il à continuer, ‘du bois tu étais lié à la terre’, avait-il cette fois récité. Lorsqu’il avait cassé le masque en deux parties, on vit s’écouler cette splendide poudre noire que les druides utilisaient pour de nombreuses choses dans leurs vies. Séparant ses deux bras il les déplaça de façon qu’ils soient sur chacun de ses côtés, tandis que la poudre cessait de s’écouler, laissant une trainée prenant source sur le sommet du torse de Lâhima pour rejoindre le sol. On aurait presque cru apercevoir les racines d’un arbre humain. Là était le but de la cérémonie.
« Wǒ tígōng de huǒ, zhè jiāng qǐfā nín de lǚchéng nièpán. Yuàn nǐguò de àn biān méiyǒu kùnnán. » Continuait-il, toujours dans son accent américain, récitant avec passion : ‘je t'offre le feu, qui éclairera ton voyage jusqu'au Nirvana. Puisses-tu traverser la rive sans peine.’ À ces mots, Daniel laissa tomber les deux fragments du masque de bois et un moine vint lui tendre une torche éteinte. Le jeune homme la leva au ciel, et resta silencieux un moment, tous les moines de l’assemblée se levèrent et on entendit des gorges vibrer ; tous ceux qui le pouvaient venait de commencer un large chant diphonique cérémoniel.
Ceux qui ne pouvaient pas restèrent silencieux. Daniel les observait, sans rien dire, sans rien faire. Il n’avait pas appris le chant de gorge, et il aurait dû. Selon lui, c’était irrespectueux de conduire la cérémonie s’il n’était pas capable lui-même d’utiliser sa propre gorge comme eux le faisaient. Et puis finalement, il abaissa le bras après un long moment qu’il ressentait par de larges démangeaisons le long de son avant-bras et de son poignet, et il se retourna vers un brasier sur lequel il enflamma la torche. Il ne fit aucun mouvement brusque et ne se contenta que d’allumer celle-ci. Se redirigeant vers le corps de Lâhima, Daniel eut un bref mouvement de doute mais fit ensuite ce qu’il devait faire. Il abaissa la torche sur le tas de cendres de sorbier qui trônaient sur le torse du défunt et presque immédiatement il s’enflamma d’une flamme bleutée, indéniablement magique. Un moine s’approcha de Daniel et couvrit le sommet de sa torche d’une coupe en ferraille et la flamme de celle-ci s’éteignit. Tous ceux qui étaient à proximité de la flamme reculèrent et l’on regarda le corps du gourou disparaître dans ce feu magique. Lâhima trouvera la paix.
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Sujet: Re: Back to The Beacon — [Montagnes du Tibet] Mer 27 Aoû 2014 - 1:26
Plus tard ce même jour, la cérémonie achevée et le corps de Lâhima devenu rien d’autre que cendres et souvenirs, Daniel s’était retrouvé dans ses propres quartiers, à contempler ses pensées. Voûté sur son lit, le dos penché et les mains contre les tempes, il entendait l’air siffler contre sa porte, mais il ne pouvait s’empêcher de se répéter les derniers mots que le Gourou lui avait tenus avant de disparaître. Ils étaient cryptiques, comme toujours, mais porteurs d’un très grand sens qui touchait Daniel dans son cœur, un sens qu’il ne pouvait pas oublier, et qu’il ne pourrait pas comprendre avant un moment, il savait qu’il en découvrirait la signification plus tard ; quand le moment serait propice. Pendant ce temps, Daniel était frappé par un deuil inconsolable. Oh il ne pleurait pas, il avait compris que Lâhima ne reviendrait pas si on le pleurait, il savait que rien ne changerait le passé. Il espérait tout de même que tout ceci n’ait été qu’un rêve, quelque chose qu’il aurait imaginé. Il ne pouvait pas se convaincre de la réalité de ces horreurs qu’il avait vécu, ni de la beauté de toutes ces choses qu’il avait découvertes pendant les derniers mois. Daniel était devenu un druide, un émissaire, quelqu’un de fort et de confiant, mais il était avant tout devenu un homme. Quelqu’un sur qui on pourrait à l’avenir compter, il était devenu un soldat, un combattant. Il était devenu quelqu’un. Et il en serait toujours redevable à Lâhima et ses enseignements ; il resterait toujours fidèle à ces moines devenus ses amis, à ces gens devenus ses frères et ses sœurs. Non, il n’oublierait jamais rien de tout cela. Mais il ne pouvait pas supporter plus longtemps d’être là, c’était trop de pression. Trop de souvenirs. Beaucoup trop de douleur et de souffrance. Il se redressa et se décida finalement. Il allait rentrer à Beacon Hills. C’était décidé. Rester plus longtemps ne lui ferai aucun bien.
Il récupéra tout ce qu’il avait encore et rangea le tout dans quelques sacs, attrapa quelques vêtements chauds et épais en lin et se couvrit avec, rangeant ses robes de moines dans un sac. Une lettre posée sur lit sur laquelle était écrit ;
« Amis,
J’ai décidé de ne pas rester. Lâhima était mon ancre, il me tenait à ce lieu et à ces règles. Mais sa disparition est trop lourde à porter ; son attaque a été causée par mon manque de vigilance. J’aurai dû être là quand les Wendigos lui ont sautés dessus. J’aurai pu le sauver. J’aurai dû être là pour les tuer. Qui sait, j’aurai peut-être dû être là pour me faire tuer à sa place. Quoiqu’il en soit Lâhima n’aurait pas dû disparaître, pas aussi tôt, pas maintenant. Il avait encore tant de choses à tous nous apprendre et ce sont mes erreurs qui l’ont fait disparaître. Je ne veux pas rester ici en sachant que je suis un fardeau, je ne veux pas rester ici en sachant que c’est de ma faute si le Gourou n’est plus. Je suis navré. Je ne peux pas continuer à me mentir, je ne peux pas continuer à faire comme si je n’étais pas la cause de tous les troubles survenus au monastère depuis mon arrivée. Ce n’est pas un hasard. Je ne resterai pas. Quand vous lirez ceci, je serai déjà bien loin, je vous en prie, ne me recherchez pas, laissez-moi retrouver la paix loin de ces choses. Mon séjour au monastère aura fait de moi ce que j’ai toujours voulu devenir, et je ne saurai pas vous remercier assez, j’espère cependant qu’un jour je puisse me pardonner de tout cela et que vous puissiez m’accepter de nouveau, mais je ne reviendrai plus ; je retournerai à Beacon Hills et je ferai en sorte d’être meilleur druide que je ne l’ai été ici. Je n’oublierai pas les enseignements de Bouddha, ni les conseils de Lâhima, tout comme je garderai toujours vos présences auprès de mon cœur. Vous m’avez sauvé, et je ne pourrai jamais vous rendre la pareille.
À bientôt,
Daniel. »
Il n’attendit pas plus longtemps et s’en alla en plein soir, le soleil commençait à se coucher et les moines aussi. Il marcha pendant des heures, dans le froid et le silence, il ne neigeait pas mais il faisait froid, les centaines de marches qui fendaient la montagne jusqu’au bas de celle-ci l’amenèrent finalement à retrouver la civilisation, dans un petit village de campagne, il y passa la nuit et au lendemain, fut conduit en ville par un fermier dans sa vieille voiture cabossée pleine de terre. Le trajet dura longtemps, et Daniel resta silencieux pendant celui-ci, laissant le fermier lui parler de ses enfants et de son dur métier qui lui ruinait le dos un peu plus chaque jour.
Daniel avait quitté le temple depuis quelques jours maintenant, mais il ne s’était pas encore décidé à quitter le pays. Il hésitait encore et n’osait pas vraiment se résoudre à retourner affronter le climat stressant et violent de Beacon Hills. Quelque chose en lui répétait qu’il ne devait pas y retourner tout de suite et rester au temple, tenir compagnie au moine, s’assurer que les conseils et les enseignements de Lâhima ne soient pas oubliés. Et pourtant, il savait qu’il devait rentrer, il le savait au plus profond de lui, aussi important que tout cela l’était, Daniel était autant désireux de rentrer qu’il l’était de rester. Il était tiraillé entre une décision difficile qui l’empêchait de vraiment se décider à faire quoi que ce soit. Et comme toujours, lorsqu’il se retrouvait dans un tel dilemme, il ne faisait plus rien et se contentait d’observer la question et de réfléchir. Il avait élu domicile dans une chambre d’hôtel, et tournait en rond jour après jour, s’engouffrant dans des bars karaokés fréquentés par des truands et d’autres membres de la mafia chinoise, à siroter silencieusement du café tandis qu’on hurlait dans tous les sens, il ne savait pas quoi faire. Et il ne dormait presque plus.
Ce soir-là était cependant différent. Là encore, il se remplissait l’estomac d’un café fort et médiocre tandis que dans un coin quelqu’un chantait très mal. Le café n’avait pas vraiment d’effet sur Daniel, mais à force de trop en boire, il devenait extrêmement irritable et ce soir, entendre quelqu’un chanter faux avait le don de l’agacer. Le jeune homme grommelait dans sa barbe et fixait le chanteur d’un air mauvais, tandis qu’à côté, des hommes plutôt musclés en costumes sombres semblaient passer du bon temps et qu’une jeune femme d’à peine l’âge de Daniel gigotait sur les jambes d’un quarantenaire à l’allure louche. Recroquevillé dans son coin, Daniel serrait sa tasse entre ses mains et serrait les dents, corps comme esprit, il était fatigué. Et ne supportait plus ce vacarme insupportable.
L’incessant capharnaüm musical n’avait pas de fin et l’agacement de Daniel continuait de bouillir en lui. Si bien que d’un moment à l’autre il allait sûrement péter les plombs et sans doute jeter sa tasse de café au visage du personnage avant d’aller lui briser la nuque. Ce n’était plus de l’agacement ou de la colère qui grandissait dans les entrailles du jeune druide mais une fureur viscérale enragée. Il voulait pendre le chanteur par ses cordes vocales et l’éventrer pour se baigner dans son sang ; ensuite il massacrerait chaque personne présente et récolterait finalement ce qu’il a toujours voulu avoir. De la puissance. Non, une seconde, quelque chose cloche dans ce train de pensée… Ce n’est pas Daniel, que lui arrive-t-il ? Son esprit embrumé, il entendait résonner dans son crâne les battements de son cœur et le boucan de ce chanteur raté, quelque chose l’avait fait changer de comportement, quelque chose de malsain, ce n’était pas lui, il n’était pas comme ça, pas lui, non pas lui.
Il ne voyait plus très bien, les choses étaient devenues troubles autour de lui, et cherchant à se redresser, sa main glissa sur la table et il manqua de s’écrouler. Il entendait les silhouettes autour de lui se lever et concentrer leurs yeux sur lui, lui inquiet, seul et sans défense autre que son épée lourdement dissimulée dans son sac de voyage, il ne voyait déjà plus rien, des masses informes et mouvantes. Tout était silencieux et Daniel s’écroula avec violence contre le sol sale et solide.
Une gifle et un sceau d’eau en plein visage, il ouvre les yeux.
Sa vision était toujours trouble, et il n’avait pas la moindre idée d’où il se trouvait exactement, mais ce qui était sûr, c’est qu’il n’était certainement pas en sécurité. Il essaya de bouger, mais fut rapidement entravé par la douloureuse sensation de cordes le retenant prisonnier dans une chaise en bois grinçante. Ses sens étaient engourdis, et il n’entendait pas mieux qu’il ne voyait, autour de lui, un brouillard de bourdonnements et d’images floues, il se sentait en grand danger. Pas simplement parce qu’il venait d’être enlevé ou quoi que ce soit, mais surtout parce qu’il ne pouvait rien faire, et ceci était la pire de toutes les choses qu’il pouvait éprouver, l’impuissance.
« Ah, le petit druide ouvre enfin les yeux » Marmonnait une voix ancienne en s’approchant du visage de Daniel. « C’était bien difficile de le retrouver, le fils de Mrs Spade. » S’était-elle mise à continuer, cette étrange voix que Daniel trouvait étrangement si familière. Sa vision commençait finalement à retrouver une certaine stabilité et autour de lui il distinguait très peu de choses, il devait être dans une sorte d’entrepôt, ou quelque chose de similaire, il faisait sombre et froid. Daniel fut giflé une seconde fois et manqua de tomber par terre sous le choc de celle-ci, il redressa son visage et dévisagea la silhouette floue qui l’avait frappé. « As-tu la moindre idée du danger dans lequel tu t’es mis, garçon ? » Reprit cette même voix singulière, Daniel la connaissait, il ne savait pas où il avait entendu cette personne, mais il connaissait le son caverneux et ancien de sa voix.
« De-de quoi vous parlez ? » Daniel avait enfin eut le courage d’ouvrir la bouche ; sa voix était enrouée, fatiguée, apeurée et inquiète. Le jeune homme n’avait pas la moindre idée de ce qu’il se passait et pourtant il se retrouvait plongé dedans jusqu’au cou. « Je ne sais pas qui vous—» Une autre gifle ! La joue rougie de Daniel le faisait souffrir et il baissa les yeux à ses pieds. Commençant finalement à retrouver la vue, pour de bon. « C’est nous qui demandons, Daniel, pas toi. » Lança d’un ton sec et sérieux la voix familière. Ce personnage familier fit quelques pas en avant et attrapa le jeune druide par la gorge, serrant celle-ci avec force et détermination, pour redresser la tête du jeune homme afin de le fixer dans les yeux. Les pupilles du druide s’écarquillèrent et quelques larmes vinrent teinter le bleu de ses yeux quand il distingua finalement le visage ridé et couvert de cicatrice de Lâhima. « Surprise, Daniel. » Ajoutait-il en observant le pauvre garçon pleurer de stupeur et d’effroi.
« Maintenant, si tu veux bien te donner la peine de m’écouter et de répondre à mes questions, mes amis et moi te laisserons partir sans difficulté et tu pourras retrouver ta petite Beacon Hills en vie. » Grogna Lâhima en lâchant le visage de Daniel et en faisant quelques pas en arrière ; rejoignant deux hommes très larges d’épaules.
Daniel les observa à travers ses larmes et reposa son regard sur Lâhima, il se répétait des prières bouddhistes à l’esprit tandis qu’il observait cet homme qui l’avait accueilli et qui s’était occupé de lui comme s’il avait été son fils, cet homme qui avait offert sa vie à la formation de jeunes gens talentueux, cet homme plein de sagesse qui se tenait devant Daniel aujourd’hui en traître et en monstre chargé de mauvaises intentions. Le jeune druide prit une grande inspiration et demanda d’une voix tremblante « Qu-qu’est-ce que vous voulez ? » Avant de baisser à nouveau les yeux vers ses propres jambes. Lâhima se mit à rire, Daniel ne comprenait pas ce qui était amusant et le gourou ajouta « Allons, mon petit. Tu te doutes bien de ce que nous voulons. Tu le sais, au fond de ton petit crâne intelligent. » Lâhima s’était approché de Daniel et avait posé une main sur le haut de sa tête, « Je veux la connaissance, je veux la sagesse. Je veux l’héritage. » Avait-il continué en s’agenouillant par terre, pour observer le visage du jeune homme.
« Cet héritage que ta famille détient, cette sagesse ancienne et antique. Des Druides, Daniel, je veux vos pouvoirs. A vous tous. Mère, Grand-Mère et Grand-Père, Arrières Grands-Parents, et bien plus encore. Je veux tout. » Il se redressa et donna une tape amicale sur la tête du jeune homme avant de passer derrière lui et d’attraper sa nuque et de relever le visage de Daniel contre le sien, il était presque appuyé contre son oreille et murmura, « Votre Aaaarbre. » Puis il y eut une étrange pression contre le cou du druide et il sentit quelque chose de pointu s’appuyer contre sa peau ; des griffes. Le jeune homme jeta un coup d’œil très vif vers la main du gourou et distingua des griffes sombres et sales, celles d’un loup-garou. « Je ne sais pas de quoi vous parlez, Lâhima. » Rétorqua Daniel en serrant les dents, sentant la pression de la main du monstre contre sa gorge. Daniel avait peur, il ne voulait pas mourir, pas comme ça.
Daniel ferma les yeux en sentant la pression se resserrer, il commençait à sangloter à nouveau quand soudainement l’emprise de Lâhima disparue, le monstre s’était redressé et été repassé devant le Druide. « Sais-tu pourquoi les occidentaux appellent cela un Arbre Généalogique, Daniel ? » Le jeune homme fit un très bref non de la tête, n’osant plus parler, le visage rougie de peur, de larmes et de douleur, Lâhima continua « Une vieille croyance druidique, Daniel, votre peuple était celui qui propageait les légendes, celui qui propageait les mensonges, les histoires, les noms et les religions. Vous étiez les Maîtres, vous étiez ceux qui décidaient de tout, il y a bien longtemps. L’Arbre Généalogique n’est rien d’autre qu’un Nemeton familial, et je sais ; Daniel, que ta mère et ses ancêtres en protègent un depuis des lustres. » Le gourou loup-garou passa les mains dans son dos et marqua une pause, laissant à Daniel le temps d’assimiler ces étranges informations. Il continua ensuite sur le même ton sec et effrayant, « Les Nemetons se transmettent, mais rares sont ceux qui restent intact pendant des siècles, ohh ils sont rares. La plupart sont coupés, ou bien sont changés, les druides ne sont plus aussi impliqués dans ces choses-là qu’ils l’étaient autrefois. Mais s’il y a quelque chose qu’on peut respecter chez les tiens, Daniel, c’est ce respect immuable des traditions. Votre Nemeton est le même depuis au moins dix générations. As-tu la moindre idée de toutes les puissances qu’il renferme ? De tout ce qu’il pourrait offrir à qui sait le recevoir ? »
« Quelqu’un comme vous, vieux fou ? » Demanda Daniel la gorge nouée par le stress mais courageux comme un roi, Lâhima se mit à rire à nouveau. « C’aurait pu être moi, si ces fichues créatures ne m’avaient pas changé. Oh, toute la puissance que j’aurai pu contrôler en devenant le Darach que cet arbre requiert. » Daniel fronça les sourcils « Mais… Les Wendigos ne changent pas les autres en loup-garou… Comment est-ce que— » Lâhima leva l’index faisant taire Daniel, « Les Wendigos m’ont simplement blessé, j’étais déjà ceci bien avant, imbécile. » Il s’approcha du druide et se mit à sourire à pleins crocs, révélant d’horribles dents bestiales. « Non, j’ai besoin de quelqu’un lié à ce Nemeton, quelqu’un de pur, quelqu’un qui peut être brisé. Oh, tu es la perfection même pour tout ceci Daniel, tu l’as en toi, ce potentiel. Je le sais, ta mère le sait. Tu n’as pas été envoyé ici simplement pour devenir un druide, Daniel ; le monastère n’accueille que les Druides qui auraient le potentiel de devenir des Darachs, tu en es un, oh oui. » Le monstre se mit à passer sa main pleine de griffes sur la joue rougie de Daniel, comme s’il en admirait la composition. « Je vois en toi toute cette puissance, tout ce qui te rendrait si fort, si grand. Ne voudrais-tu pas être un Dieu vengeur ? Ravager ceux qui se mettraient sur ta route ? Être Roi et Maître de tout ton univers ? Rien ne ferait le poids face à toute la puissance déchaînée de ce Nemeton une fois qu’il t’aurait transmis tous ces millénaires de pouvoirs. Tu serais le plus puissant Darach à avoir foulé la terre. »
Daniel reposa ses yeux sur le monstre et osa rassembler toutes ses forces pour lui cracher au visage, de colère, la bête le griffa au torse et de tout son poids, Daniel bascula en arrière, s’écrasant sur ses mains et brisant la chaise qui le retenait, des éclats de bois venant lui entailler les poignets et lui griffant le sommet du crâne. Dans un accès de zèle et d’agilité, Daniel parvint à s’appuyer sur le bas de son corps pour faire un bond de manière à se redresser tout en replaçant ses bras encore attachés dans son dos devant lui. L’entraînement des moines avait donc été utile ! Il fit de grandes foulées en arrière et recula en toute hâte tandis que les deux hommes baraqués fonçaient dans sa direction au son du hurlement guttural de Lâhima dont les yeux s’étaient illuminés d’une effrayante couleur bleue glacée. Les deux hommes n’avaient vraisemblablement rien de surnaturel jusqu’à ce que leurs yeux s’illuminent d’un blanc cadavérique et que d’innombrables crocs se révélèrent dans leurs bouches, des Wendigos. L’un derrière l’autre, ils étaient prêts à tuer Daniel et à le dévorer, c’était certain. Le jeune homme était devenu agile et capable de se battre depuis, et dans de rapides mouvements de balanciers du bassin et du haut de son torse, il évita de nombreux coups de poings et autres tentatives de morsures.
Avec hâte, il se pencha en arrière et frappa avec force d’une jambe celles d’un des deux Wendigos, celui-ci tomba et Daniel manqua de tomber à son tour, il se rattrapa de ses bras attachés et se hissa avec force de nouveau sur ses pieds et fut frappé d’un coup de poing dans l’estomac par le second Wendigo. Le druide s’écroula à terre, à genoux, incapable de respirer trop choqué par la violence du coup de poing. Lâhima grogna et s’approcha tandis que le Wendigo attrapait le druide par la gorge et le soulevait dans la direction de son maître. Daniel venait à nouveau de s’évanouir.
« Nous sommes façonnés par nos pensées. Nous devenons ce que nous pensons. » Répétait une voix féminine dans l’esprit embrumé par le vide de Daniel, il était évanoui, il le savait. Et pourtant, il se retrouvait à nouveau dans ce grand bosquet, le même qu’il avait découvert dans son esprit lorsqu’un orage s’était abattu autour de la librairie. Ce n’était pas la première fois qu’il venait ici, et pourtant tout semblait si différent. Il n’y avait ni ruisseau, ni bruit, seul le gigantesque arbre lumineux au centre d’un grand point d’herbes hautes. Il était immobile, silencieux et tout semblait baigner dans un grand voile blanc. Une étrange impression fantomatique surplombait l’environnement autour de Daniel. Et quelque chose semblait susurrer au coin de son oreille quelques mots, une femme. Il tourna la tête sur le côté et observa autour de lui, rien d’autre que lui dans ce grand bosquet silencieux. Rien d’autre. Lui, et le Nemeton. Et cette voix. Cette belle et mélodieuse voix de femme. Son regard fut à nouveau attiré par le gigantesque arbre et Daniel s’en approcha de quelques pas. Une main tendue vers l’écorce, il en caressa la surface, il n’avait jamais réussi à toucher l’arbre auparavant, du moins, il n’en avait pas senti la structure. D’ordinaire il s’agissait d’une impression liquide, comme s’il plongeait sa main dans de l’eau, mais cette fois, l’arbre était bien réel. Il était ancien, il était vivant. Daniel sentait l’arbre vivre, il le sentait respirer, boire, et vieillir. Il sentait en lui toutes ces anciennes énergies accumulées par le temps qui passe, il sentait l’air siffler entre les feuilles et se faufiler entre les branches. Il sentait les racines grandir sous la terre… Il ressentait toute cette vie que le Nemeton protégeait. Il entendait le bruit de chaque racine se déplaçant dans la terre, il entendait les feuilles siffler au bruit du temps, il goutait dans sa gorge le parfum de la sève de l’arbre sacré. Tout était si merveilleux, si puissant, si ancien… Si… Si vivant.
Le Voile blanchâtre qui semblait osciller un peu partout dans l’esprit de Daniel commença à se dissiper et lentement il fut illuminé par une impression extraordinaire, des sensations qu’il n’avait jamais connu autrefois, quelque chose de si fort qu’il en était déstabilisé au plus profond de ses pensées. Le Nemeton était là, il était toujours là. Le Nemeton ne l’avait jamais quitté, et même s’il ignorait comment, depuis l’Irlande, le Nemeton restait lié à Daniel. Et il ne l’abandonnerait pas. Daniel ne cesserait pas de le protéger à son tour, et il le lui rendrait, l’un comme l’autre ils allaient se protéger. Les oreilles du jeune druide se tendirent au bruit d’un carillon et il se retourna de l’arbre, retirant sa main de son écorce solide et ancienne. Une silhouette lumineuse l’observait, il n’en distinguait rien d’autre que des formes féminines dans une aveuglante lumière blanche, et sans rien dire elle tendit les bras dans sa direction et de gigantesques filaments lumineux s’enfoncèrent dans la chair de Daniel, sans douleur, sans bruit ; comme une sorte de passation de pouvoirs. Il sentait en lui une énergie forte et réconfortante.
Daniel ouvrit les yeux, sortant de son inconscience, les pupilles blanches. Et se retirant de l’emprise du Wendigo d’un geste fort et rapide, il lui brisa le bras d’un geste et se laissa glisser en arrière, se redressant sur ses pieds droit et immobile comme un piquet, un orage venait d’éclater autour d’eux et l’entrepôt résonnait des bruits de la pluie qui s’abattait dessus. Lâhima poussa un nouvel hurlement et les Wendigos se jetèrent sur Daniel en hurlant eux aussi. Le druide ne fit pas un seul mouvement et pourtant autour de lui les Wendigos semblaient être malmenés par quelque chose, l’air sifflait autour d’eux et comme s’il s’agissait de minuscules tornades, l’air les déstabilisait. Daniel leva un poing et frappa directement le torse d’un des deux Wendigos et avec une force incroyable on entendit la cage thoracique de la bête se briser en morceaux sous l’effet du coup de poing. Lâhima était stupéfait et son second Wendigo venait d’être tué par Daniel d’une autre manière, il avait ouvert la paume de son autre main et une puissante énergie mystique l’avait projeté en arrière, le faisant s’empaler sur des débris de métaux en tout genre. « Daniel ! Tu vois ! C’est cela dont je te parlais ! La puissance d’un Nemeton ! L’héritage de centaines de druides coule dans tes veines ! Comme de nombreux autres druides, tu es fait pour devenir un Darach et vivre de cette puissance rituelle ! Utilise-la ! Dévore le monde sur ton passage ! »
Daniel, toujours possédé par cette énergie druidique, marcha dans la direction de Lâhima, droit et silencieux, le visage vide de toute expression, ses iris brillaient de blanc. Et il tendit la main devant lui. Lâhima haussa un sourcil et avant de comprendre, la gorge du gourou venait d’être écrasée sous la pression de la main de Daniel qui l’avait projeté avec lui contre un mur. Sans s’arrêter, le druide s’acharnait sur le visage du loup-garou, des coups de poings par dizaines, sans broncher, le visage couvert de haine et la mâchoire serrée, les facultés de guérison du loup-garou rendaient la chose encore plus insupportable et Daniel semblait infatigable. Lâhima leva les mains, en signe de reddition et le Druide s’arrêta, tournant la tête sur le côté, on distinguait son sac de voyage où était dissimulée son épée. Lâhima écarquilla les yeux et se mit à hurler « Non ! Non ! Non ! PAS MOI ! » Et avec violence, la lame de Daniel venait de s’enfoncer dans la gorge du loup-garou. Les mains écrasées contre le manche de l’arme blanche, Daniel fut comme frappé par la foudre et ses pupilles cessèrent de briller de cette lumière blanche.
Le jeune homme s’écroula par terre, sur le côté du corps sans-vie mutilé une seconde fois de Lâhima. Et il s’endormit.
À son réveil, Daniel était dans sa chambre. À Beacon Hills. Une lettre de sa mère sur sa table de chevet, lui expliquant qu’elle était venue elle-même le récupérer de cet endroit horrible. Et que tout allait bien se passer maintenant.