Once upon a time


"A des enfants qui croient vraiment c'que disent les grands."

Il faisait froid. Dans ce pays il faisait toujours froid de toute façon. Sauf l'été, l'été il faisait chaud. Malheureusement pour lui le 14 novembre n'était pas exactement la définition même de l'été, plus malheureux encore c'était le jour où son père avait décidé de l'entrainer au pistage. Pister par temps froid c'est pas idiot. La terre est sèche en général, y'a pas trop besoin de se trainer dans la boue, c'est plus compliqué de trouver les empreintes, mais en général on arrive toujours à s'en sortir. La veille quand il avait appris la nouvelle il n'avait pu que se réjouir, ça aurait pu tomber plus mal. Le soucis étant que la nouvelle n'était pas la seule chose qui était tombée ce soir là et devoir écarter les dix centimètres de neige tous les deux pas n'était pas particulièrement l'idée qu'il se faisait d'une chouette balade en forêt. Il ne voyait rien, ses pieds commençaient à être trempés et ses mains avaient fini par avoir la rigidité des pires professeurs de langue, mais s'il y avait bien une chose qu'il s'interdisait c'était de renoncer. Pour des raisons pratiques tout d'abord, abandonner ici signifiait rentrer, car il n'avait aucun doute là dessus, s'il décidait s'arrêter son père ne le forcerait pas à continuer. En revanche une fois arrivé chez eux il ne donnait pas cher de sa peau et il avait fini par comprendre qu'il valait mieux se forcer pour une heure d'exercices plutôt que de laisser l'imagination de ses parents lui trouver autre chose à faire pour les trois prochains jours. Par fierté ensuite, depuis des générations sa famille était reconnue de ce côté-ci du mur et ce n'était pas pour sa capacité à se prélasser sur les plages de Californie. Oui, le mur n'existait plus, il était plus ou moins au courant de cet état de fait. Oui, on peut travailler dur sans pour autant se ramasser dans la neige en plein automne. Mais un peu de chauvinisme n'avait jamais fait de mal à personne, merci. De toute façon à huit ans on peut penser tout ce qu'on veut, il n'y a personne qui vérifie. Il pourrait penser qu'il était en train de traquer le yéti que cela n'aurait gêné personne, vous voyez ? La fin du monde n'est pas parvenue. Dommage, parce qu'il s'était toujours imaginé la fin du monde avec des volcans et les volcans pour faire disparaitre la neige, ben y a pas mieux.
Tandis qu'il laissait ses mains dégeler à la faveur des crépitements du feu -enfin la chaleur faisait dégeler, les crépitements c'est le côté poétique. D'un gamin de huit ans, parfaitement. - il s'adonnait à ses leçons. C'était un rituel immuable, exercices physiques le matin, intellectuels l'après-midi, les vacances scolaires avaient un air de camp militaire par moments, mais il devait bien y avoir une raison à tout ça. Évidement à cet âge là c'est un peu compliqué de voir l'intérêt de ne pas passer sa journée à jouer dans la rue, pourtant Matthew avait une confiance aveugle en ce qu'on lui apprenait. C'était un peu l'avantage de savoir qu'on était dans une famille qui avait toujours fait comme ça, on se laisse guider par les traditions, on n'a pas vraiment besoin de réfléchir. Au lieu de vivre sa vie on se contente d'y assister, quelqu'un bien avant avait tiré les dés, avait écrit sa vie sur un morceau de parchemin -les vieux dans les histoires écrivent toujours sur un parchemin- et qu'il n'avait plus qu'à le dérouler pour savoir quoi faire de sa vie, la dé-responsabilisation confortable par excellence.



"On n'est pas homme si on n'est pas libre et pas libre si on ne jouit pas de sa liberté, si on ne s'en sert pas, pour décider, se constituer, puis lutter pour se garder et pour grandir."

"P'pa ?"
Le ton était incertain. C'était typiquement le genre de ton qu'un adolescent emploie quand il a quelque chose d'important à dire, mais qu'il sait en même temps qu'il sera dans le pétrin au moment même où les mots deviendront son. Le regard que lui lança son père était clair, lui aussi connaissait "le ton", il avait eu deux enfants avant Matthew, il était forcément au courant. Le plan de "je vais dire un truc complètement hasardeux et faire croire que c'était ça en fait" tombait à l'eau. Sa blessure au bras le rappelait à l'ordre, il devait parler, dans quelques mètres ils atteindraient la maison familiale et la trace de dent qu'il sentait à travers son pull ne lui laissait que peu d'illusions quant au fait de savoir s'il parviendrait à rentrer. Ils s'étaient maintenant arrêtés. Après une semaine à traquer, ils n'avaient tous deux qu'une envie, rentrer et se reposer, pourtant ils avaient tacitement compris que ce qui devait être dit le serait avant la porte. "Je..." Le garçon dégluti lentement, cherchant ses mots. "Je suis gay." Quoiiiii ? Il n'était pas bien certain de ce qu'il venait de dire. L'instinct de survie avait dû faire des siennes. Un instant il songea à rajouter des détails, tenter de dégouter son père, s'il fuyait sans explications il savait qu'il ne serait pas long à faire le rapprochement, il devait juste, il devait tout simplement faire renier à son père qu'il avait un jour existé. Deux raisons le poussèrent à ne pas le faire. Le manque d'informations tout d'abord, il n'avait aucune idée de ce que les gays faisaient vraiment, ou plutôt ne s'était-il jamais posé la question et avec un peu de chance il n'aurait jamais à se la poser. L'instinct de survie encore dans un second temps, il s'agissait de ne pas se faire tuer pour un autre raison, ce serait idiot et dans l'ensemble Matthew se considérait comme quelqu'un de plutôt intelligent.
C'était plutôt pratique pour lui toute cette histoire d'intelligence. Voyez-vous l'avantage en Russie, c'est que quand on n'est pas trop débile, l'université on la paye pas, ou peu, on peut même se faire loger et ça, quand on a dix-huit ans et qu'on est légèrement mis à la rue, ça aide pas mal. Il fit donc son entrée à l'université de biologie de Saint-Petersburg, assez loin de chez lui pour réussir à se faire oublier. Son choix d'orientation était loin d'être anodin. Il avait beau avoir légèrement... changé, il avait beau renier ses croyances avec chaque souffle qu'il se permettait de prendre, il n'avait cependant pas rejeté en bloc tout ce qu'il avait appris. Il était une plaie pour l'humanité et il était évident qu'il devait être éliminé, il n'avait jamais remis en question cette vérité. Cependant, ce que sa famille ne comprendrait jamais c'est qu'il était également le sujet parfait. Capturer un loup était presque chose impossible et dans le cas où ils y parvenaient les garder en captivité n'était pas chose aisée, expérimenter sur eux ? Encore pire, on ne savait jamais ce qu'il pouvait arriver et ils n'étaient pas ce qu'on pourrait désigner de modèle de coopération. Lui ? Il n'irait nulle part, c'était en lui et s'il ne voulait pas se mettre en rogne il avait intérêt à s'aider. Ça sonnait un peu trop schizophrène à son goût, mais il ne pouvait se résigner à considérer cette chose comme une part de lui-même. C'est à cette époque là qu'il commença à essayer de détruire ce qui grandissait en lui, gui, chocs électriques... tout y passait -sauf l'argent, il restait pauvre-, tout ce qu'il en résultait était une bonne semaine de douleur et puis plus rien, il était probablement trop tard, le parasite s'était emparé de lui, quelque méthode qu'il employait, ce qui attaquait la chose attaquait également l'humain. Après quelques années il se résigna et entreprit la recherche d'un moyen définitif de séparer ses deux natures.



"Je me fuis moi-même, mais je ne perds jamais ma trace, je me rattrape toujours."

Le pays le plus vaste du monde n'était cependant pas assez grand pour qu'il puisse y couler des jours tranquilles et par un heureux hasard c'est pile à la fin de ses études -d'un autre côté ce n'était pas vraiment un hasard, cela faisait un moment déjà qu'il était au courant que son petit frère avait cinq ans de moins que lui- que son passé décida de lui passer le bonjour. Jusqu'à ce jour il n'avait jamais bien réfléchi à ce qu'il allait faire de sa vie, il s'était enfui, avait plus ou moins réglé le problème des poursuites, ses plans s'étaient à peu près arrêtés là. Pourtant, à l'instant où il avait croisé son frère et qu'il s'était senti obligé d'embrasser un de ses amis, il s'était rendu compte que ça n'allait pas être possible bien longtemps. Parce qu'il avait failli s'en manger une entre autres. Son diplôme en poche il décida donc de s'exiler le plus loin possible et pour cela la destination idéale était toute trouvée. Il allait détester la vie vie là-bas, il ne pourrait s'empêcher de mépriser tous ceux qu'il y croiserait et il était possible qu'il finisse par vraiment mettre fin à ses jours dans ce bouillon d'inculture... mais tout ça le mettait tellement à l'abri de sa famille et de son passé qu'il n'avait pas de meilleur choix.
Avant d'affronter la véritable vie américaine et le désespoir sans fin, il décida de rester dans un "sas" et s'installa à Brighton Beach, il savait malheureusement que ce n'était que pour un temps, s'il voulait vraiment couper tout lien avec ses racines, il ne pouvait pas rester dans ce quartier et en 2010 il fait ses valises pour atterrir à Davenport dans L'Iowa. État en plein milieu de ce pays, il comprenait l'essentiel de tout ce qu'il détestait de cette sous culture ce qui ne pouvait le rendre plus heureux. Ne pas supporter une ville entière permet étonnamment bien de se concentrer sur les choses importantes et notamment sur ses recherches. Il n'avait certes pas avancé énormément, mais ce n'était pas lié à un manque de temps, il était simplement trop... isolé, il était son seul sujet d'observation et cela l'empêchait d'avancer dans ses études.
Trois ans plus tard il décida de bouger à nouveau, il n'avait aucune attache dans la région et se disait que quitte à vivre à l'étranger autant en profiter pour voyager. La raison qui le poussa vers Beacon Hills lui est toujours inconnue, officiellement il a décidé de venir par ici par hasard, mais une partie de lui l'a amené vers la source de ce qui semble être un bon nombre de problèmes.

Behind the screen
Pseudo / Prénom : Clarisse / Lysine♦ Âge : 21 ♦ Tu préfères les cookies ou les tartes aux pommes ? Hmmm, chaud la tarte, froid le cookie. Avec de la crème la tarte, avec du lait le cookie. Et puis zut, les mélanges c'bien aussi ♦ Comment t'es arrivé(e) ici : Facebook ! ♦ Ton personnage préféré dans TW : Peter ♦ Fréquence de connexion : Fe=1 ♦ Une ultime bafouille : Sirop d'érable