Sweet meeting

« Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie. » ► RIMBAUD

La vie est une succession de jours te permettant tous et chacun de te rapprocher de ton but. Plusieurs connaissaient un parcours typique sans se heurter à des murs tandis que certains devaient travailler plus fort que les autres pour pouvoir avoir une chance de faire face à la vie. Je ne pense pas pouvoir me classifier dans une de ces deux grandes classes. Je me demande ce que les gens recherchent. Mon but a toujours été de retrouver mes parents et de pouvoir comprendre mes origines. Je devais pour cela remplir mon compte en banque. Un voyage ne se paierait malheureusement pas tout seul. Le fond de la classe était un endroit idéal pour ressasser mes pensées et rêver de contrées orientales. Je dessinai dans mon cahier des femmes dansant dans des kimonos aux couleurs chatoyantes. Peinturai du bout de mon crayon des champs de fleurs aux milles couleurs.

Le professeur montrait des plans inclinés en avant et écrivait des formules sans sens au tableau. Ces vecteurs et ces directions servaient uniquement à nous orienter vers le futur.  Personne ne se soucie de savoir comment une flèche a une application dans la vraie vie. Le lycée est seulement une des étapes à parcourir pour pouvoir avoir un travail qui nous plairait et nous réaliser quotidiennement. Je note dans mon cahier les schémas en me promettant de tenter de les comprendre à la maison. Il était dur de suivre sur le coup les raisonnements du professeur de physique. Il était dans son monde tandis que je me trouvais dans le mien. Mes dessins se profilaient dans les marges de mon cahier comme cette encre noire en de délicates lettres sur mon dos. Je les laissai et me concentrai sur mon cours. Mes mains soutiennent mon menton qui semble rapidement peser deux tonnes. Les lois de la gravité fonctionnaient sur une seule chose : mon cerveau.

Le cours finit heureusement par finir. Je me levai promptement et me dirigeai vers les machines distributrices. Je marchai rapidement dans le couloir en retenant un cri de joie. Enfin un peu de liberté. Je passai au travers de la foule étudiante sans dire mot avant de me rendre devant les bienfaitrices distributrices. Je retirai mon sac à dos de mes épaules et cherchai mon porte-monnaie dans les tréfonds de mon sac. Ma main heurte le coin de mon manuel de chimie. Je me mordis la lèvre en continuant de chercher.  « Je te tiens ! » finis-je par chuchoter, en agrippant le petit accessoire de cuir.

Je pris quelques pièces avant de porter mon attention sur le présentoir. Tant de délicieuses choses à manger. Mon ventre en hurlerait de bonheur. Je sais que les filles devraient faire attention à leur ligne et ne pas manger de confiseries… mais je ne peux pas vivre sans chocolat. Les friandises étaient toutes plus appétissantes les unes que les autres. Je choisis en quelques instants ce que je voulais. Le paquet orangé avait conquis mon cœur en deux secondes. Ses moules chocolatés étaient remplis du plus délicieux beurre de noix imaginable. Ce doit être la nourriture des anges… ou des dieux de quatre ans.

Je déposai l’argent dans le distributeur et regardai le paquet avancer doucement vers moi. Mon bonheur de cacao se stoppa net avant de tomber dans mon abîme du rêve. Je ne pus retenir un petit grognement courroucé. « Il ne manquait vraiment plus que ça » marmonnai-je pour moi-même.

Je regardai autour de moi et vérifiai que personne ne se trouvait aux alentours. La plupart des gens étaient avec leurs amis. Mon opération « conquérir ma tablette de chocolat » pouvait enfin commencer. Je retroussai mes manches et pliai les genoux, entourant la distributrice de mes bras. Il me suffirait de la faire brasser et mon chocolat tomberait. Mon plan relevait du plus grand des génies. Einstein et Newton auraient été jaloux de mon intelligence naturelle. Certains le trouveraient excessif. Tant pis. Aux grands maux, les grands moyens.

Je m’acharnai donc sur la machine en tentant de faire tomber ma tablette de chocolat. La jeune fille ne remarqua pas que ses yeux avaient passé du brun le plus sombre à un bleu des moins communs. Comme la glace au sommet du plus pointu des icebergs : diamant nivéal provenant du plus grand froid hivernal. Je notai du coin de l'oeil un jeune homme aux cheveux bruns qui me regarde. « Salut » fis-je. « Je sais ce que tu dois te dire... c'est un peu bizarre comme situation. Mais il y a vraiment rien à voir ici. Tu peux continuer ton chemin. J'essaie juste de faire tomber ma tablette de chocolat. Elle est.. coincée » marmonnai-je en brassant la machine. Je vous jure. Il a intérêt à être bon, ce chocolat.