Just another boring day

Daniel & Stiles

Beacon Hills. Beaaaaaacon. Hills. Ce nom ne ressemblait à rien, il n’avait pas l’air ‘naturel’ se marmonnait Daniel en rangeant quelques bouquins mal remis en place dans leurs étagères. Il se marmonnait à voix basse des plaisanteries sur le nom de la ville, parce qu’il trouvait une certaine ressemblance entre ‘bacon’ et ‘beacon’. Rien d’extraordinairement fourni, ou réfléchi en somme. Mais ça le faisait grogner un petit rire d’abruti. À ne point en douter, il s’ennuyait aujourd’hui. Et lorsque l’ennui était à son comble, Daniel ne pouvait s’empêcher de raconter des idioties immatures. Il avait faim, aussi, mais c’était un détail sans grande importance, puisqu’il allait manger plus tard. Il s’était levé très tôt, ses parents avaient quittés la ville quelques jours pour des affaires personnelles, et il se retrouvait à devoir gérer la librairie tout seul, comme s’il était en mesure de le faire. À vrai dire, il l’était techniquement, puisque c’était son métier, mais ça ne lui plaisait guère d’être le seul à travailler. Quoi qu’à force d’y réfléchir, l’idée commençait à lui plaire. Tout l’endroit lui appartenait tant qu’ils n’étaient pas là. C’était un peu une sorte de rêve. Quand bien même il aurait préféré ne pas avoir à gérer des comptes, c’était la partie la moins amusante dans toute cette situation. Les bras chargés de bouquin, il continuait de traverser les allées et d’en remettre à leur place, tandis qu’il en retirait d’autre et les calait tant bien que mal entre son torse et son menton. Il allait les faire tomber à un moment ou à un autre, il le savait, c’est pourquoi il se dépêchait de ranger les livres à ranger. Sauf qu’il n’était pas assez rapide. Et l’un de ces livres qu’il serrait contre sa gorge glissa et tomba. Entrainant avec lui les autres, puis les autres. Puis tout ce que portait Daniel dans ses bras. Ah, c’était bien sa veine ! Maintenant, il allait devoir se débrouiller à tout ramasser. Accroupit, il décida de faire des tas, l’un allait comporter ceux qu’il voulait lire, et l’autre ceux qu’il devait ranger.

Une pensée lui traversa l’esprit, avait-il mis le panneau dans le sens « Ouvert » ou « Fermé » à l’entrée ? Il ne savait plus… Il se redressa et fit quelques pas pour regarder dans la direction de l’entrée, mais fit demi-tour, supposant qu’il l’avait laissé dans le sens indiquant « Fermé » aux visiteurs et potentiels clients. Retournant à ses tas de bouquins, il n’en restait plus qu’une poignée à ranger. En quelques trois minutes, la tâche fut rapidement bouclée. Il était content. Ramassant sa pile personnelle, il se redressa et alla déposer le tout, sur l’espèce de bureau qui servait à accueillir les gens et leur indiquer vers où aller pour trouver tel ou tel ouvrage, mais aussi pour leur vendre lesdits ouvrages voulus. Pour un samedi matin, il faisait assez sombre. Daniel tournait en rond dans la librairie, il inspectait les étagères avec un peu trop d’intérêt, si bien qu’on aurait pu penser de lui qu’il était un client plutôt que le presque-propriétaire. Et comme d’habitude, il se retrouva dans la section dédiée à la mythologie irlandaise, ses origines le fascinait. Il attrapa quelques bouquins et alla les poser avec le reste de ceux qu’il comptait lire pendant la journée. Finalement, il se décida à aller vérifier si la librairie était indiquée comme ouverte ou non. Elle ne l’était pas. Il retourna le panneau ; Le Chêne était donc officiellement ouvert ce samedi matin, à 9h30. C’était un retard, elle ouvrait normalement vers 8h, parfois 7h30. Mais ses parents n’étaient pas là pour le réprimander, alors il n’en avait guère grand-chose à faire. Il retourna aussitôt devant ses livres et le reste du bazar qui servait à commercer, et se mit à lire. Mais il avait du mal à se concentrer, ses pieds se balançaient, remuaient, gigotaient. Agacé, il referma le bouquin et se mit à en parcourir un autre, celui-ci comportait des passages en anglais et d’autres en gaélique, une langue qu’il était incapable de comprendre. « Saloperies… » Avait-il aussitôt insulté les pages. Il détestait les textes incompréhensibles.

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D’un sens pratique, les textes dans leurs langues originales sont toujours un avantage, on peut être assuré de ne pas se retrouver avec des erreurs d’interprétation ou de traduction. C’est un avantage certain, mais quand tout ce que l’on cherche à faire est lire, et non pas analyser les mots, si l’on ne parle pas cette langue en question on se retrouve très vite ennuyé. Et c’était le cas de Daniel. Il n’était certainement pas d’humeur à s’amuser à disséquer des mots et des phrases pour se faire une idée d’un texte, non, il voulait simplement lire. Mais l’horrible barrière d’une langue qu’il ne comprenait pas s’était dressée devant lui et son désir. Il savait qu’il trouverait un dictionnaire quelque part, dans un coin. Peut-être servant de support à d’autres choses, comme une lampe, ou un téléphone, mais il ne savait pas où. Et il n’était pas d’humeur à chercher pour ce fichu dictionnaire. Et plutôt que de gaspiller ce temps-libre qu’il avait en trop, Daniel s’acharna à ne simplement lire que les passages qu’il comprenait ; mais l’insulte qu’il avait proféré quelques secondes plus tôt contre ces innocentes pages incompréhensibles avait été entendue par un visiteur importun mais pas inconnu du très jeune libraire.

Il avait réagi au mot de Daniel, et peut-être s’en était-il sentit être la cible. Dans tous les cas, Daniel sursauta en l’entendant, d’un bond il releva la tête dans sa direction et le salua d’un signe de tête. « Je… euh… Ce n’était pas destiné pour toi, si tu te le demandes… Je euh… » Il pointa le livre du doigt, « C’est la faute du bouquin. » Il était gêné, se gratta la tête et baissa les yeux sur son livre avant de relever la tête vers lui. La jambe gauche du libraire remuait sur place, il était à moitié affalé sur sa table, et hésitait à se lever. Ne sachant pas s’il devait tenir l’habituel pseudo-discours professionnel ou quoique ce soit d’autre, il hésitait à être tout à fait formel ou tout à fait normal. Et puis, étouffant un bégaiement, il ajouta d’une façon caricaturale, « Qu’est-ce que le Chêne Lecteur peut faire pour monsieur ? » Presque un peu trop fier d’être en charge de tout tant que ses parents étaient absents. Il referma le livre en question et se mit à remettre de l’ordre sur son bureau, organisant les tas de livres en piles ordonnées, faisant suffisamment de place pour qu’on puisse apercevoir les gravures en bois circulaires du bureau sur lequel il était appuyé.

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Le bazar qu’il avait mis en place de lui-même commençait finalement à s’ordonner d’une façon bien plus sérieuse et bien plus professionnelle que quelques secondes auparavant, Daniel commençait à donner un air de savoir ce qu’il faisait dans ce grand bordel improvisé qui lui servait de métier. Le bureau de bois massif était gravé d’un large triquetra en son centre, comme décoration unique, quand bien même on pouvait apercevoir des torsades au niveau des pieds de celui-ci. Le meuble semblait trôner au centre de la librairie et n’avait pas l’air de s’y implanter comme le reste des étagères. Il avait presque l’air d’une pièce de musée trop ancienne pour être là, dans une librairie tout à fait ordinaire. C’était un atout certain, en soit, puisqu’il était mémorable, et que quiconque entrait dans le Chêne se souvenait toujours de ce bureau massif en bois. C’était ce vieux bureau qui faisait la réputation de la librairie, aurait-on même pu dire. Et Daniel autant que n’importe qui pourrait passer des heures toutes entières à fixer ce morceau de bois par simple plaisir de l’admirer. C’était assez idiot, d’ailleurs, ce n’était rien de plus qu’un vieux meuble après tout. Mais il avait son charme et rendait l’endroit très légèrement plus classe, il fallait l’avouer. En gros, ce bureau avait la classe.

Daniel étouffa un rire dans un sourire lorsque le livre fauteur de trouble fut incriminé, mais rapidement, il fit disparaître ce faux air trop sérieux de libraire ennuyeux lorsque Stilinski commença à parler de légendes celtes. Aux yeux de Daniel, elles étaient les moins intéressantes, il existait des légendes de créatures se déguisant en montagnes, en forêt, parfois en îles, mais les celtes étaient beaucoup moins folichons à son goût. Ironiquement, il trouvait cela très limité parce que cela tournait très souvent autour de la nature et des druides, un sujet qu’il lisait trop souvent que c’en devenait ennuyeux. Un tel avait voulu telle chose pour sa tribu que cela engendra la colère d’un autre, et cætera, ça n’en finissait pas, jamais. Très ironique pour un druide en devenir d’être déjà agacé par les histoires des siens… C’est désolant. Ou bien naturel, allez savoir, aimeriez-vous qu’on vous bassine tous les jours à propos des gens dont vous portez l’héritage mais ne pouvez pas vraiment le réclamer puisque personne ne veut vous l’apprendre ? « Les druides, t’en trouves un peu dans des tonnes de cultes et de folklores, donc ça pourrait être aussi celte que ça pourrait être grec, ou je-sais-pas-quoi encore… » Ajoutait-il en se grattant la tête, indexant ses souvenirs pour retrouver quelque chose de ce genre qu’il avait sûrement pu lire quelque part. « Mais c’est sûrement celte, en général les druides sont des salopards, sauf chez les Celtes puisque les celtes les voyaient comme des genres de super-conseillers. Alors que les druides grecs, par exemple, étaient de purs salopards, le genre de type à te sacrifier en t’arrachant le cœur pour pouvoir prendre l’aspect d’un animal ou un truc à peu près aussi festif. » Disait-il ensuite en se remémorant un bouquin qu’il avait dû lire il y a quelques jours. Il avait lu tellement de trucs qu’il avait du mal à se retrouver dans ses propres pensées, c’était ridicule.

« Évidemment qu’on-que je peux aider ! C’t’à ça qu’on sert ici, enfin techniquement on sert à vendre les bouquins, mais ça dérive du boulot d’aider les gens à s’y retrouver parce que… — Je digresse là. — Donc oui, bien sûr que j’peux aider. » Il fit une pause et reprit ensuite « J’sais pas c’que vous foutez en histoire pour faire ce genre d’exposés, mais ça a l’air beaucoup intéressant que ce que moi je faisais quand j’étais au lycée. » Termina-t-il en se levant du bureau et en se dirigeant vers une des étagères pleine à craquer de bouquin. « Si c’est Celte, ça peut être quelque part dans ce foutoir que j’aurai dû ranger depuis un moment… » Il attrapa un bouquin et commença à le feuilleter.

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« Euhm… Exact, oui ! Les druides grecs étaient des change-formes. » Répondait-il en reposant le livre qu’il venait de feuilleter dans son étagère, soigneusement écrasé entre deux autres ; il avait lu et relu l’histoire du Roi Lycaon demandant aux druides de l’aider. Il en connaissait les détails presque par cœur tant c’était fascinant. Puni par un dieu, un homme était devenu une bête, désespéré il s’était tourné vers les Druides qui lui apprirent, en dépit de ne pas pouvoir lui rendre sa forme initiale, à alterner les deux formes. Daniel trouvait que c’était assez beau, dans la forme. C’était très poétique. Mais il était incapable de se décider vis-à-vis de la conclusion de cette histoire.  Il s’était souvent pris à s’imaginer que si les Druides n’avaient pas pu aider Lycaon à reprendre forme humaine c’était principalement parce qu’ils n’en avaient pas envie. Daniel savait que les druides étaient en général des enflures finies, ils savaient que beaucoup se considéraient comme des demi-dieux, ou peut-être des entités supérieures au peuple dans lequel ils vivaient de toute façon. Et cela le désolait. Il s’imaginait que si Lycaon était devenu l’un des premiers loups garous et que si cette malédiction avait continuée de se répandre c’était par la faute de ces mêmes druides trop prétentieux pour aider quelqu’un et heureux de se moquer de la peine d’un homme. Il était heureux de ne pas se considérer comme tel et il était heureux que sa mère ait faite de sa vocation druidique d’aider les lycanthropes. Cela le rassurait. Stilinski émit ensuite l’hypothèse que cela aurait pu être un amalgame de différentes cultures. « C’est possible oui, les légendes naissent toutes de bases » Daniel bafouilla un ‘réelles’ avant d’aussitôt se corriger « de bases identiques. C’est comme les dragons ; tu les vois dans quasiment toutes les cultures, et ça remonte à tellement longtemps que ça ne peut pas être une coïncidence. Il y a une base, un monstre gigantesque qui apporte la peur et le chaos. Tu vois c’que je veux dire ? »

Il se tut et constata qu’il digressait encore et encore. « …Mais c’est pas le sujet, hein. » Il essaya de se remettre les idées en place, il réfléchissait toujours trop vite et pas assez bien, à chaque fois il se retrouvait à élaborer des choses sans aucun sens à part pour lui. C’était ridicule mais drôle à observer. Et il ne s’en rendait compte qu’après les méfaits établis. « Oui, oui, je vois ce que tu veux dire. Ils sont très intéressants ces cinglés presque sectaires. Euh… j’ai dit ça à voix haute ? Non parce que je ne veux pas te décourager d’aller lire à propos d’eux ! C’est juste que parfois ils sont décrits d’une façon vachement effrayante. Tu ne peux pas imaginer à quel point… » Oh ça oui, il ne pouvait pas. Il fallait avoir vu des druides en personne pour comprendre à quel point ces gens pouvaient être intimidants parfois. « M’ennuyer ? Ici ? Naaaah ça, ça risque pas d’arriver. C’est simple, c’est comme si j’étais dans un harem. Des tonnes de bouquins autour de moi, c’est le paradis ! » Peut-être que la comparaison avec le harem était de trop. Peut-être.

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« Honnêtement, j’suis pas sûr. Mais j’imagine mal des gens se transformer en toutous poilus, tu vois ? C’est tellement kitsch, tellement ridicule de s’imaginer des gars avoir des poils qui poussent instantanément sur le visage et ailleurs. Et puis les crocs, j’imagine que ça doit être difficile de parler avec des canines de plusieurs centimètres dans la bouche, sauf si t’as la mâchoire qui se déplace… Si les loups garous existent, je plains les gens qui le sont… Et puis je m’imagine que comme les animaux ils finissent par marcher à quatre pattes, alors ça doit être encore plus ridicule qu’effrayant. L’humain est pas calibré pour marcher ou courir à quatre pattes ! Donc ouais, c’est stupide. » Ajoutait Daniel en approuvant ce que Stilinski venait de désigner comme étant ‘‘n’importe quoi’’. Oh s’il savait… Daniel se retenait de rire à travers un visage faussement impassible ; la situation était tellement ironique. La détermination du lycéen a étudié les druides intriguait Daniel, il faut dire que ce n’était pas tous les jours qu’il devait ressortir des trucs à leur sujet, en général les gens étaient plus intéressé par les grosses bestioles ou les démons, ou les dieux, ce genre de trucs tellement banal dans la mythologie que plus personne n’est assez idiot pour y croire. Stilinski, lui, avait choisi les druides, et pour quelqu’un qui voulait faire un exposé sur eux, il semblait très impliqué, très intéressé. Après tout, il était toujours intéressé par les choses qu’il faisait, sinon il ne passerait pas autant de temps que ça dans la librairie, mais tout de même. Cette soudaine presque passion était aussi animée et intéressée que celle de Daniel pour ces-mêmes druides, quand bien même c’était pour un tout autre domaine, puisque le jeune libraire cherchait à en comprendre les enseignements pour devenir un druide plus performant, plus efficace. Et globalement pour devenir un druide tout court à dire vrai, puisqu’il n’en était pas vraiment encore un. Il aurait adoré suivre un genre de formation, même s’il n’avait pas la moindre idée de comment ce genre de chose était orchestrée. Il avait espéré que sa mère l’introduirait aux arts druidiques, qu’elle lui apprendrait les propriétés de telles ou telles plantes, qu’elle lui ferait la leçon quoi. Mais non, elle et son père ne voulait pas qu’il mette les pieds là-dedans, c’était frustrant.

« Tant mieux si t’es décidé ! Ça ne rendra la chose que plus intéressante. » Meublait Daniel en cherchant dans les étagères ; il parcourait les rangées de livres sans vraiment s’intéresser à leurs titres, il savait qu’il aurait besoin de trouver un livre dont le titre contiendrait un mot du même champ lexical que ‘druide’, c’était suffisant pour l’aider à chercher, il n’avait pas le temps ni l’envie de lire les titres complètement. Ses yeux défilaient sur les couvertures et cherchaient simplement à trouver un mot de ce genre. « Non, mais c’est pas ce que je voulais dire ! C’est une métaphore tu vois ? » Expliquait Daniel, gêné par la remarque du lycéen. Il avait beau être plus vieux que lui, il se mit à rougir de honte, intimidé par la remarque sur sa comparaison maladroite. Daniel s’arrêta de chercher quand il eut finalement mit la main sur un bouquin relié en cuir, la classe quoi, si épais qu’il eut besoin de ses deux mains pour le soulever et le retirer de l’étagère. La couverture était sobre, un large triskèle était dessiné en son centre. « Je crois que ce p’tit truc va te convenir. » Disait-il sur un ton moqueur face à l’ironie d’un ouvrage aussi épais.  « Y a sûrement quelques trucs sans intérêts, mais ça va sûrement répondre à tes attentes, je crois. »

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Il décida de ne pas lui dire qu’il s’agissait déjà de la version de poche, une édition raccourcie et simplifiée, cela aurait été trop ironique dans une telle situation, Daniel ne doutait pas que l’ouvrage imposant serait en effet d’une aide extraordinaire dans ce que souhaitait entreprendre Stilinski. Le temps était toujours lourd et pluvieux à l’extérieur et cela avait tout à fait l’air de ne pas s’arranger au fur et à mesure, le vent avait l’air de cogner contre les vitres. Et Daniel aussi peu superstitieux qu’il était sursauta quand le ciel se mit à gronder à l’extérieur. Comme s’il s’était agi d’un mauvais présage levé à son encontre dès lors que le livre qu’il avait trouvé avait quitté ses mains, c’était peu commun d’entendre le tonnerre gronder aussi fort et aussi lourdement. Il eut raison de supposer qu’un éclair venait de frapper à un endroit très proche, mais il était loin de se douter que c’était encore plus à proximité qu’il se l’imaginait. Le tonnerre gronda une seconde fois et l’on compris très rapidement qu’un éclair venait de s’écraser contre une ligne électrique ; la librairie toute entière fut privée de courant et fut simplement éclairée par le peu de lumière qui filtrait au travers des nuages. Il n’avait pas peur du noir, mais être confiné dans un bâtiment sans électricité avait le mérite d’être terrifiant. D’autant qu’il avait la nette impression d’être à l’étroit. Il sentait, ou du moins il s’imaginait sentir que l’air était plus rare, plus enfermé.

Les murs avaient l’air
de se resserrer
lentement
contre
lui.

R—e—s—p—i—r—e, Daniel, respire ! S’ordonnait-il dans son esprit, tandis qu’il paniquait à voix haute. Sa gorge tendue et ses cordes vocales nouées, son estomac se resserrait lui aussi, il avait mal au ventre et commença à sentir le tournis s’approcher de lui. Sa vision devint floue quelques instants, il faisait une crise d’angoisse. Recroquevillé contre lui-même, il avait la tête enfermée dans ses bras et semblait même se balancer très légèrement. Les seuls sons qui parvenaient à sortir de lui étaient de bruyants bruits d’une respiration saccadée et apeurée. Daniel était en larmes, il suffoquait de terreur dans cette grande librairie soudainement devenue trop étroite. Et quand bien même il savait pertinemment que ce n’était pas de sa faute, une petite voix malsaine dans son esprit lui répétait qu’il était ridicule, qu’il était un lâche, qu’il était le pire de tous les hommes ; qu’il allait sans doute être le pire druide de tous les temps s’il perpétrait cette attitude digne d’un gamin. Il n’arrivait pas à la faire taire, il n’arrivait pas à se concentrer, à surpasser sa peur. Il avait déjà perdu contre sa phobie. Il ne se rendait même pas compte qu’il était écrasé par terre, recroquevillé sur lui-même ; il n’avait plus aucun repère et se sentait perdre la tête. Il avait l’impression de chuter du haut d’un millier d’étages et même pire encore, il était presque certain que sa chute n’allait jamais prendre fin, qu’il mourrait avant de s’écraser par terre. Il devait se ressaisir, il le savait, il devait reprendre le contrôle. Ses pensées étaient un champ de bataille, mais pourtant il regagnait lentement contrôle de sa respiration.

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L’orage avait engendré un court-circuit qui forçait quelques ampoules à briller puis s’éteindre ; mais l’absolu noir dans lequel s’était retrouvé le Chêne n’en était pas pour autant écarté. Puisque le peu de lumière qui passait ne permettait pas d’y voir plus clair. Daniel, toujours recroquevillé contre lui-même n’arrivait pas à bouger, il était immobilisé par la panique. Et n’entendait plus rien que sa respiration bruyante et     h a l e t a n t e. Son visage ne bougeait plus, il était enfermé contre lui-même, verrouillé entre des barreaux de larmes, tandis que le contact de la main de Stiles sur son épaule le fit sursauter il ne bougea tout de même pas son visage pour le regarder. Du coin de l’œil il vit ses lèvres remuer, mais n’entendit rien de ce qu’il prononça, il avait l’air d’être si loin de lui, si éloigné et pourtant si proche à la fois ; l’adolescent parlait, Daniel n’entendit rien. Comme si son ouïe s’était volontairement effacée pour le laisser se noyer dans la terreur d’être écrasé par des murs. Quoique ce fût, ce devait sûrement être pour le rassurer, mais il ne l’avait pas entendu, et il se répétait à voix basse qu’il n’entendait rien, qu’il n’arrivait plus à voir autour de lui. Que les murs allaient le dévorer, il ne savait pas s’il pensait ou s’il sanglotait. Il ne faisait que sentir la vibration de ses cordes vocales autour de lui. Il avait le sentiment d’être seul dans une caverne à l’écho éternel, rien d’autre que ses propres mots ne l’atteignaient. Il essaya de faire cesser ses pleurs, il se força en retenant sa respiration, il devait arrêter de pleurer, il devait reprendre contrôle de lui-même. Il avait les poings tant serrés que la peau qui couvrait le dessus de ses mains avait blanchie, comme lorsqu’on en coupe toute circulation de sang. Il était abandonné dans un noir immobile et inaltérable duquel il n’aurait pas pu s’échapper. Les yeux fermés, il savait qu’il ne tiendrait pas plus longtemps.

Le bruit de l’eau qui coule.

Il entendit le bruit d’un fleuve, d’une cascade ou d’une quelconque rivière. Elle remuait autour de lui. Et par-dessus celle-là, le bruit de quelques oiseaux piaillant du sommet de leurs arbres. Il sentit la chaleur d’un soleil haut dans le ciel se pointer contre sa peau dévêtue. Il ouvrit lentement les yeux et fut ébloui par la luminosité d’un grand bosquet dont il ne se souvenait pas. Sa panique avait cessée ; il avait retrouvé son calme et pouvait respirer sans crainte de s’étouffer dans sa peur. Où était-il ? Il se souvenait qu’à peine quelques minutes auparavant, il était dans la librairie de ses parents, aux côtés de Stilinski, l’orage était bruyant... Daniel leva la tête et observa le ciel, calme, bleu, immobile. Il plissa les paupières, intrigué. L’air était frais, et le vent le caressait lentement d’une brise. Il regarda autour de lui, dans une espèce de pirouette immobile, tournant sur lui-même. Ce bosquet était immense, et Daniel s’était retrouvé contre un arbre qui en marquait le centre. Lorsqu’il le croisa du regard, il s’y concentra et approcha de quelques pas vers son écorce, elle semblait ancienne et très robuste. L’extrémité de ses doigts la traversa, et s’arrêta au contact d’une mousse verte et humide. Une vibration. Daniel eut l’impression d’être traversé par une vibration si intense qu’elle le fit reculer de plusieurs pas. Suffisamment pour qu’il puisse voir ce gigantesque arbre dans toute sa splendeur. Daniel leva la tête pour en observer les branches qui n’avaient pas l’air de se terminer, au contraire, elles semblaient se fondre dans le ciel et se mêler aux autres arbres, comme un gigantesque nid d’appendices vivants. Il n’avait pas la moindre idée de ce dont il s’agissait, et pourtant, le mot « nemeton » lui traversa l’esprit au point d’être expulsé entre ses lèvres. Et quand bien même il venait de le dire à voix haute, Daniel eut l’impression d’entendre ce mot être murmuré par quelqu’un d’autre que lui.

Une autre vibration. Il en sentit une autre le traverser avec force et violence, si bien que cette fois-ci il tomba à genoux. Il n’arrivait pas à se relever, quelque force mystérieuse le forçait au sol, à genoux. Ce n’était pas douloureux, mais c’était bel et bien puissant. Le bosquet s’était assombri autour de lui et les oiseaux qu’il entendait précédemment s’étaient tus. L’air semblait plus lourd, et il entendit des brindilles se briser derrière lui. Immobile il ne parvint pas à regarder ce qu’en était la source, jusqu’à ce qu’une silhouette d’une taille similaire à la sienne vint à se présenter devant lui, il ne put pas la regarder et fut aveuglé par un flash de lumière blanche.

Au même moment.

Daniel était toujours immobile, recroquevillé contre lui, l’air ailleurs, étouffé par des pleurs et de la peur. Il s’était mis à trembler après que Stilinski eut ri à sa propre plaisanterie. Ce n’était pas un tremblement provoqué par un rire étouffé, oh non. Le pauvre garçon n’avait pas l’air de se sentir mieux. Pourtant, il ne semblait plus respirer de cette-même façon bruyante et haletante, celle d’un enfant paniqué. Il respirait normalement, bien que toujours recroquevillé contre lui-même, on devinait qu’il commençait à se sentir mieux. Du moins, que sa crise de panique approchait de sa fin. Mais dans un étrange geste empli de violence, il attrapa le poignet de l’adolescent qui cherchait à le rassurer et le retira de son épaule, puis lentement, d’un air effrayant et ailleurs, Daniel se releva, les paupières closes. Il n’avait pas l’air d’être dans un état ordinaire. Quelque chose d’étrange se passait, c’était certain. Une fois qu’il fut relevé, il ouvrit lentement les yeux, le visage noyé de colère. Ses paupières illuminées d’un blanc terriblement pâle et intrigant, mais étrangement lumineux, comme deux lanternes. Ce visage rempli de haine et de violence n’avait en rien l’air d’être celui de Daniel quand bien même il l’arborait. Il était droit, immobile et avait beaucoup plus assuré en lui-même que le garçon habituellement. Son visage fixait l’horizon, les sourcils froncés et l’allure dangereuse. Mais rien ne se passa d’autre que la fin très brusque de l’orage. Le ciel se révéla, et ses nuages sombres disparurent.

Quoique ce fut qu’il venait de se passer, Daniel venait de faire cesser cet orage. Et avec la même haine, son regard se tourna ensuite sur Stilinski ; Daniel semblait dangereux. Il ouvrit la bouche comme s’il allait lui hurler dessus en le pointant du doigt, mais comme s’ils venaient d’être parcourus par une décharge, les yeux de Daniel redevinrent normaux et il s’écroula au sol, inconscient.

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Bruit de l’eau.
De nouveau, il se retrouva dans ce large et mystérieux bosquet dont il ignorait l’histoire comme l’origine. Il avait eu la certitude de s’être déplacé, en fait dès lors que cette aveuglante lueur blanche l’avait privée de sa vue, il était certain qu’il avait bougé, pas dans ce bosquet, non. Mais là où il était avec Stiles. Il était certain que l’un de ces deux endroits était réel, mais n’était pas capable de deviner lequel. Il avait les pensées trop troubles, trop embrouillées, tout se bousculait autour de lui, réel ou non. Les choses s’entassaient et rendait trop confus pour qu’il eut pu réfléchir de manière logique et cohérente. Une fois que ce flash luminescent disparu, Daniel se retrouvait à nouveau au creux de ce bosquet duquel il s’était éveillé sans comprendre comment ni pourquoi.  Il se rappelait de sensations, d’impressions et de choses qu’il n’avait pas pu faire, de choses qu’il n’aurait pas fait. Des choses. Tellement de choses. Il se souvint d’émotions violentes et brûlantes, une haine aussi forte qu’une passion embrasée. C’eut été de l’amour qu’il aurait été incapable de le différencier d’un viscéral besoin de tuer. Peut-être était-ce les deux, il ne savait pas. Mais à aucun moment, il ne se souvenait s’être réellement levé, il avait l’image de lui-même se redressant en tête, mais ça ne pouvait être qu’une invention de son esprit confus par les peurs. Il n’était pas debout, non, impossible ! Il se souvint avoir vu l’orage se terminer, mais quand ? Il n’avait pas vécu ça, il ne se rappelait pas l’avoir réellement fait quand bien même l’image était plantée dans ses souvenirs. Le ciel clair, les allées de la librairie illuminées par la lumière de l’extérieur, le calme plat en dehors du bâtiment… Quelque chose ne tournait pas rond, quelque chose le menait en bateau, ça, il en avait la certitude. Le bruit de l’eau. Daniel sentait intimement que quelque chose n’avait pas lieu d’être, quelque chose dans son esprit, quelque chose d’enfoui en lui savait comment le sortir de ce marasme de pensées troubles. Il devait réfléchir, penser. Il voulait du

« silence. »

Il redressa la tête et fixa le tronc creux et immobile de cet arbre qui ne lui disait rien et détourna le regard avec une aisance qu’il aurait pensé plus complexe. Le bruit de l’eau n’était plus audible depuis un très long moment. Il ne l’avait pas remarqué tant ses doutes et ses interrogations avaient monopolisées ses cinq sens. D’un pas lent et prudent, il fit quelque pas vers une direction nimbée de brume et de silence, de laquelle il savait qu’il trouverait la source de cette eau qu’il n’entendait plus. Et faisant quelques pas, il —

Sursauta un réveil quelques secondes après que Stilinski tenta de le réveiller lui-même. La respiration forte et le visage couvert de transpiration comme s’il venait de produire un effort considérable contre quelque chose qui était bien au-dessus de lui. Daniel était allongé par terre, sur le sol froid et solide, beaucoup moins naturel que celui du bosquet qu’il avait imaginé. Cette fois-ci il en était certain, il avait imaginé le bosquet. Son souffle mit du temps à se calmer, mais il reprit un mouvement habituel et plus lent. Il était calmé. Beaucoup plus apaisé que lorsque l’orage les avait plongés dans cette tourmente d’obscurité. Il regardait droit devant lui, vers l’extérieur, le ciel était apaisé. L’orage avait cessé, il ne comprenait pas. Peut-être était-ce arrivé naturellement, qu’il avait cessé tout naturellement… Depuis combien de temps Daniel avait-il été évanoui dans ce cas ? Il avait mal au crâne et se passa une main sur le front, sentant au passage une petite fièvre, mais n’en fit rien. Il posa ensuite un regard intrigué et soupçonneux dans la direction de Stilinski. C’était de sa faute, pensait-il. Cela n’était jamais arrivé avant, pourquoi maintenant, pourquoi avec lui ? Daniel fronça les sourcils en le regardant dans les yeux. Puis marmonna finalement, intrigué et sans haine aucune, parce qu’il ne comprenait rien à ce qu’il venait de lui arriver. « C’est toi… » Il recula en glissant de quelques mouvements de pieds en arrière. « C’est de ta faute… Qu’est-ce que tu es ? » Interrogeait-il effrayé. « Quoique ce soit qui est arrivé, c’est arrivé à cause de toi, c’est la première fois que ça se produit, je ne sais pas c’que c’est mais ça ne peut pas venir de moi. Qui et quoi es-tu ? » Daniel le fixait d’un air qui oscillait entre l’énervement et le doute. Peut-être que ça ne venait pas de Stilinski. Mais pourquoi est-ce que ça aurait fait surface que maintenant, quand lui était venu le voir ? Daniel avait le dos fixé contre le bas du bureau en bois massif et gardait ses yeux bleus rivés sur le lycéen. Il ne se releva pas, il n’y arrivait pas, ses jambes étaient engourdies comme si un poids trop imposants les avait endolories.

Just another boring day

Daniel & Stiles

Fastidieux instants de stupeur, d’incompréhension et de doutes, Daniel était habité par cet étrange sentiment qui lui rongeait les entrailles, il ne croyait pas lui-même ce qu’il venait de dire, ce qu’il venait de sous-entendre. Il avait accusé son ami d’être la raison de ce trauma mystérieux qu’il venait d’éprouver, il n’avait pas la moindre idée de quoi il s’était agi, et quand bien même il essayait d’y donner un sens en accusant un ami, ça sonnait faux à ses propres oreilles, il n’y comprenait rien. Et l’ignorance était la chose la plus insupportable qu’il pouvait envisager. Ce n’était pas une gêne occasionnelle, c’était toujours là, toujours présent. Quoi qu’il fasse, sa vie était marquée par le silence et l’ignorance. Il n’avait pas le droit de savoir ce qu’était la véritable fonction de sa mère, il n’avait pas le droit de vouloir faire comme elle. Il n’avait même pas le droit d’espérer devenir un jour un druide comme ses parents l’étaient. Têtu comme il était, il ne les écouta évidemment pas et décida de devenir de lui-même un druide, à quel prix ? Il s’était évanoui, avait eu d’étranges visions dans son inconscience, et maintenant voilà qu’il savait qu’il était une espèce de monstre capable de choses dangereuses. Il avait voulu tuer Stiles. Daniel, lui, ce jeune incapable de quoique ce soit de mauvais, incapable d’hausser la voix contre quelqu’un, il avait essayé de tuer un ami. Les mots de Stilinski lui résonnaient dans le crâne, « t’as voulu me tuer. » Le tuer. Non, jamais… Ce n’était pas lui, ça ne pouvait pas être lui ! « Non... C’était pas moi ça. Non. » Répétait-il en pressant sa main sur son front, un mal de crâne affreux lui sifflait dans l’esprit. « Ça peut pas être moi... » Daniel ferma les yeux un instant, en serrant les dents, comme pour faire disparaître son mal de crâne. Mais cela ne disparaissait pas.

Il ouvrit les yeux et observa Stilinski, Daniel était inquiet, pour le fils du shérif autant que pour lui-même. « Je sais pas ce qu’il s’est passé. Ce n’est jamais arrivé avant… » Répétait-il aussitôt que l’inquiétude de Stilinski avait été manifestée par des mots. « Je suis pas un monstre. Non. » Continuait-il, comme un enfant enfermé dans sa bulle, il se répétait ces choses-là plus à lui-même qu’il ne les disait à Stiles, il essayait de se rassurer lui-même sans doute. Daniel avait le visage pâle et livide. Comme s’il était malade ou qu’il n’avait pas dormi depuis des jours. Cette étrange manifestation qui avait fait cesser l’orage semblait l’avoir épuisé, et Daniel ne s’en rendit pas compte, mais il ne tenait pas droit, ses mains tremblaient et son visage était le témoignage d’un épuisement après un effort incroyablement intense. « Je suis pas un monstre. » Dit-il ensuite, en posant son regard dans celui de Stiles. Il voulait vraiment que le garçon le croit, qu’il n’ait pas peur de lui, qu’il ne le rejette pas pour ce qu’il venait de se passer. « Mais je… » Il avait du mal à trouver ses mots, et à tout simplement les lui dire. Sa gorge était nouée de peur et d’inquiétude. « Je… » Dans une grande inspiration, il attrapa son courage par la gorge et déballa finalement cette phrase qui n’arrivait pas à sortir. « Ma mère est une druidesse, j’en suis un aussi par conséquent. Mais j’essaie d’apprendre tout seul… » Puis il se rendit compte que ça ne voulait sûrement rien dire pour quelqu’un qui n’était pas familier à ce monde, « … Je-Je sais que ça va te paraître complètement stupide, ou impossible, mais… Voilà, je suis un druide, en tout cas j’essaie, et il y a tout un monde de phénomènes surnaturels et hors du commun à travers la planète. Des loups garous, et ce genre de choses. » Daniel n’avait jamais pensé à en parler à qui que ce soit et n’avait en aucun cas préparé un speech pour expliquer le surnaturel… Et ça se voyait bien.

Just another boring day

Daniel & Stiles

Tout ce qu’il venait de s’enchaîner, c’est bien loin de l’habituelle routine ennuyeuse des fins de semaines, quelque chose de différent, bien plus étrange qu’à l’habitude. Voilà qu’il était devenu un monstre, les choses continuaient de s’entrechoquer dans son esprit et il ne savait plus où donner de la tête, Daniel était perdu. Désaxé entre ses doutes et ses impressions, et même pire encore, il sentait en lui cette chose malsaine qu’il était devenu, il sentait en lui que ce monstre qui en voulait à la vie d’un ami était toujours là, il ne savait pas comment ni pourquoi c’était là, mais ça l’était. Fermement enfermé dans ses instincts et ses pensées, bloqué dans un coin de son esprit, Daniel était perdu. Il y avait bien des idées qui apparaissaient mais elles étaient trop farfelues pour être réelles, ça n’avait pas de sens et même s’il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé, il était certain d’une chose, ça n’allait pas être la dernière fois qu’il serait ainsi. Il avait l’esprit embrumé par ses horribles idées qui continuaient de le martyriser, il ne savait pas quoi faire, il ne savait pas comment s’empêcher d’y penser. Mais la présence de cet ami qu’était le fils du Sheriff paraissait suffisante pour l’aider à se contrôler, à prendre conscience d’un environnement qui lui était familier, il était fatigué. Incapable de rester droit et de supporter son mal de tête, Daniel serre les dents et les poings, cherchant à se calmer, mais c’est impossible, il a trop de choses à l’esprit.  

Encore tendu et incapable de réfléchir de façon claire et précise, Daniel avait le regard dirigé vers le sol, il fixait ses propres pieds, silencieux et torturé par ce constant mal de tête qui ne cessait d’aller et revenir, à chaque fois qu’il se répétait la scène dans ses pensées, l’impression insupportable de recevoir des milliers de coups de poing dans l’estomac et sur son corps tout entier, il n’allait pas pouvoir supporter cette souffrance plus longtemps, se passant une main sur le front, il redressa son visage et observa Stiles quelques instants avant de dévier son regard à nouveau sur le sol, n’osant pas garder un contact visuel avec lui, par peur d’y voir son reflet, ce monstre qui a voulu le tuer, de se voir maintenant, dévasté et incapable de quoique ce soit. Et tout simplement, d’y voir les yeux de son ami, effrayé d’y voir de la colère, de la haine, une impression de trahison. Daniel ne pouvait pas le regarder, pas plus qu’il ne pouvait se pardonner lui-même d’être druide. À cet instant précis, il se mit à regretter d’avoir voulu apprendre à en être un. Il se mit à regretter absolument tous ses choix, sans exceptions. Il se mit à se haïr pour ne pas avoir fait comme ses parents voulaient qu’il fasse. « C’est ma faute… » Marmonna-t-il quand Stiles fit allusion à de la pression. Daniel était trop perfectionniste, trop investi. Quoiqu’il fasse il avait toujours la motivation de le faire mieux que tout le monde, il ne tolérait pas de faire quelque chose de façon bâclée. Difficilement, il hocha la tête à la remarque drôle qui vint ensuite, pendant un très court instant, Daniel avait souri. Rassuré.

Et puis, il se met à mentionner un Deaton. Le sourire de Daniel disparaît et laisse place à de l’incompréhension. Il est surpris, mais cette surprise est un cadeau, il en a oublié ses horreurs, le garçon n’a pas l’air étonné parce que Daniel lui a révélé, pas plus qu’il n’a l’air étonné de quoi que ce soit vis-à-vis d’un monde surnaturel. C’est étrange. Surprenant, mais très étrange. Les sourcils froncés, Daniel s’interroge. Depuis combien de temps était-il au courant ? Comment ? Est-ce qu’il est lui-même quelque chose de non-humain ? Ou peut-être un druide ? L’inconnu se dresse devant lui sous la forme d’un jeune adolescent, Daniel croyait le connaître ce Stilinski, il croyait en connaître les détails et les aspects, mais voilà qu’il est entièrement différent de ce qu’il a toujours vu. C’est quelqu’un d’autre. Non, Daniel ne pourra plus le voir comme le simple fils du Sheriff avec un problème d’attention et une jeep en mauvaise état. « Dea-Deaton ? » Se met-il à demander à voix haute, « Je-je ne sais pas qui c’est, non… » Annonce ensuite le jeune libraire. Et pourtant, Daniel avait l’impression qu’il devait le connaître, ce nom aurait dû lui être familier, il aurait dû l’avoir entendu dans la bouche de sa mère, il aurait dû le connaître, l’avoir vu ou l’avoir au moins croisé une fois. C’était un druide, voilà ce qu’il savait, ce mystérieux Deaton était un druide, à Beacon Hills et il n’était pas de la famille de Daniel, ils n’étaient donc pas les seuls et quelque chose les avait sans doute fait venir ici alors, était-ce lié à ce druide qu’il ne connaissait pas ? D’autres questions continuèrent à chambouler les pensées du jeune garçon tandis que Stilinski lança un autre pic humoristique qui fit sourire Daniel à nouveau. Ah ce cliché des vieux sorciers et des vieux druides aux barbes aussi longues que leurs corps, il est vrai que si Daniel n’avait pas vu sa mère en action, il se serait toujours imaginé les druides ainsi, des personnes en longue robes aux barbes si longues qu’elles cachent leurs corps. À la Panoramix ou à la Merlin. « Eh, j’ai pas encore eu le temps de la faire pousser ma barbe ! » Lance finalement Daniel, voilà qu’il retrouve des couleurs, il suffisait de le rassurer un petit peu après tout.

Finalement, il ose regarder Stiles. Et se met à sourire, se souvenant des raisons de la venue du garçon à la bibliothèque. « C’était pas pour un exposé que tu es venu, hein ? » Demande le libraire en retroussant ses manches, d’un air bien plus sérieux et beaucoup moins troublé que quelques minutes auparavant.